Les chaussures de protection
Des produits qui vont de l’avant
Les chaussures de protection pèsent environ 20% du marché des EPI (808,4 millions d’euros en 2007) et leurs ventes ne cessent de progresser (+8% entre 2004 et 2007). Essentiellement utilisées dans la construction et l’artisanat qui contribuent pour eux deux à 40% de ce marché, leur commercialisation a pendant longtemps été réservé aux spécialistes de l’EPI et aux fournitures industrielles, les négoces matériaux restant très prudents sur ce marché. Néanmoins, ces derniers et les loueurs sont aujourd’hui de plus en plus actifs sur ce rayon dont le chiffre ne cesse de croître et entretiennent avec les fournisseurs des relations étroites qui leur permettent de progressivement rattraper leur retard et de séduire de plus en plus d’artisans.
Un rayon à la bonne pointure
Bien que présentes depuis quelques années seulement au sein des négoces matériaux et des loueurs, les chaussures de protection font aujourd’hui partie des rayons qui montent au sein de ces réseaux de commercialisation. Fournisseurs et distributeurs ont conscience de se développement et s’unissent pour dynamiser ce marché porteur.
Majoritairement commercialisées au sein des circuits de distribution traditionnels des équipements de protection individuelle – spécialistes de l’EPI puis fournitures et quincailleries industrielles – les chaussures de protection sont depuis quelques années de plus en plus proposées au sein des négoces matériaux et des loueurs. Initié au début des années 2000, ce phénomène s’est particulièrement accentué depuis cinq ans.
Le négoce, un circuit récent
Contrairement aux fournitures et quincailleries industrielles, les négoces matériaux se sont mis tardivement à vendre de l’EPI et donc des chaussures de protection. En effet, si dans le milieu industriel, le port de chaussures est réglementé et appliqué depuis longtemps, il en va autrement pour le secteur du bâtiment. Le port d’équipements de protection par les artisans et le personnel de chantier reste encore insuffisant en France, à l’inverse de ceux des pays du nord de l’Europe où la réglementation est strictement respectée. En ce qui concerne les chaussures de protection, les principaux clients ont donc longtemps été les grands groupes de construction, soucieux de respecter les réglementations de sécurité au travail. La commercialisation des produits s’effectuait alors majoritairement en vente directe du fait de commandes importantes. Néanmoins, au fil des années, le nombre de grosses entreprises ou de PME s’est multiplié. Les responsables achats de ces entreprises se sont tournés vers des distributeurs de proximité capables d’apporter des services adaptés à leurs préoccupations : les spécialistes EPI, les FI et quincailleries et enfin les négoces matériaux.
De leurs côtés, les artisans ont peu à peu changés leurs habitudes d’achats. A l’instar des particuliers, ils désirent trouver toutes leurs fournitures, du matériau à l’outillage en passant par l’équipement de protection, dans le même point de vente. Ils peuvent trouver cette réponse dans les quincailleries mais également dans les négoces matériaux qui ont tout intérêt à ajouter des gammes EPI dans leur assortiment.
Les loueurs sont quant à eux plus récents sur le marché des chaussures de protection que les négoces matériaux et touchent une clientèle ponctuelle composée d’artisans et de particuliers à la recherche de produits basiques qui viennent en complément de l’outil loué. Il s’agit essentiellement de chaussures préconisées lors de l’utilisation d’un matériel, comme les ponceuses pour parquets par exemple qui demandent une protection des pieds.
Un rayon trop souvent sous-estimé…
Même si la vente des chaussures de protection au sein des négoces matériaux s’est accélérée ces cinq dernières années, tous n’ont pas encore incorporé ces produits au sein de leur offre du fait des difficultés propres à ce type de produits. En effet, concevoir la commercialisation de ces équipements demande un aménagement de l’espace de vente. Ceci n’est pas toujours fait et les EPI sont parfois relégués au fond des magasins, considérés comme des parents pauvres ou comme des produits de complément. Lorsqu’il existe, le rayonnage chaussure est par ailleurs souvent mal armé pour l’essayage et souffre du vol (il n’est pas rare de retrouver un modèle usager dans une boîte neuve) ainsi que de l’encombrement lié au volume. De plus, vendre des chaussures de protection signifie avoir plusieurs gammes qu’il convient de décliner en différents modèles et dans les pointures usuelles, du 37 au 45, même si les négoces tentent de répondre à ce manque de place en faisant démarrer leurs gammes à la taille 40 ou en ne présentant qu’un modèle d’exposition.
D’un autre côté, la multiplicité des modèles et des tailles implique d’avoir du stock. Or, tous les négoces n’ont pas la place nécessaire et ils entreposent souvent ces produits au sein même de l’espace de vente. Les zones de stockage à proprement dites sont souvent réservées aux matériaux de construction et donc impropres aux EPI du fait des poussières.
Enfin, parmi les freins à l’expansion des ventes de chaussures de protection au sein des négoces de matériaux, la connaissance produit joue un rôle déterminant. Ces équipements, bien qu’ils ne soient pas d’une très haute technicité, répondent à des normes que le chef de rayon doit savoir expliquer au client afin de l’orienter vers la chaussure qui convient le mieux à ses besoins (travail en intérieur, en extérieur, en hauteur, en milieu humide…).
… et pourtant porteur
Néanmoins, malgré ces freins, les fournisseurs de chaussures de protection font un constat commun : lorsque les négoces matériaux jouent le jeu et consacrent un espace EPI avec une solution complète, de la tête (casque) aux pieds (chaussures), ce rayon fonctionne bien, notamment les chaussures. Avec un taux d’usure élevé qui favorise le rachat, une marge raisonnable et une clientèle assurée (même en temps de crise, l’artisanat est un des secteurs qui se portent le moins mal), les chaussures de protection disposent en effet d’un bon rendement d’où l’engouement récent des négoces matériaux pour ces produits.
Une nouvelle place est donc accordée aux EPI, particulièrement lorsque les négoces matériaux rénovent ou implantent un libre-service, ce qui est assez fréquent depuis quelques années. Dans ces nouveaux magasins, jusqu’à 15 à 20 % de l’espace du libre-service peut-être consacré aux EPI avec une mise en valeur des produits et un effort de présentation qui permet d’attirer les clients vers ce nouveau rayon. D’autant que les artisans et ouvriers de la construction sont de mieux en mieux informés sur les réglementations de sécurité et sont aujourd’hui capables d’acheter une paire de chaussures de protection seuls en utilisant les outils d’aide à la vente mis à la disposition des négoces par les fournisseurs.
Afin de convaincre la distribution de dynamiser leur rayon chaussures et de monter en gamme, certains fournisseurs n’hésitent pas à commercialiser leurs produits en consignation. Dans ce cas, le négoce ne paye que les chaussures qu’il a vendu et peut retourner les modèles restants au fournisseur. Sans se soucier du stockage, le distributeur peut ainsi évaluer le potentiel du rayon.
Les fournisseurs, points d’appui du “ shop in the shop”
Le temps des boîtes de chaussures empilées dans le fond des négoces matériaux semble donc bel et bien révolu. Soucieux de développer un réseau de distribution propre au monde du bâtiment, les fournisseurs encouragent les négoces à créer des espaces chaussures où les artisans peuvent prendre le temps de choisir le modèle qui lui convient le mieux et de l’essayer. Par exemple, la société Tec Safety participe financièrement à l’élaboration de nouveaux showrooms dédiés aux chaussures de protection au sein des négoces. Lors de partenariats établis avec les négoces, les fournisseurs mettent en place de vrais plans de vente, comme peut le faire la société Gaston Mille avec le réseau MCD qui bénéficie d’un soutien de poids dans l’élaboration des zones d’expo de ses magasins.
Véritables « shop in the shop », ces espaces peuvent prendre plusieurs formes. Ils peuvent être matérialisés par des chalets à l’intérieur des points de vente, comme chez Tout Faire Matériaux, ou par des lieux de détente parquetés avec cabines d’essayage, tabourets, miroirs… dans les agences Réseau Pro ou VM Matériaux. Tous ces aménagements ont pour objectif d’arriver à une meilleure utilisation de l’espace pour offrir une grande visibilité aux chaussures et aux vêtements de protection. Le spécialiste de l’EPI Sperian est allé au bout de cette démarche avec le groupe Point.P en lui bâtissant un univers complet baptisé Sperian box regroupant casques, harnais, vêtements de protection, vêtements de travail et chaussures.
Un univers visuel
Conscient que les négoces matériaux sont en retard par rapport aux fournitures industrielles ou les spécialistes de l’EPI pour la commercialisation des chaussures de protection, les fournisseurs n’hésitent pas à leur fournir de nombreuses affiches afin d’apporter une identification visuelle à leur espace chaussures de protection. Ces affiches ne sont par pour autant explicatives des produits mais permettent de délivrer un message et d’apporter du sérieux au rayon. Gaston Mille axe ainsi son message sur sa notoriété de fabricant français de produits de qualité et sur la mise en avant de quelques-uns de ses produits phares. La société danoise Mascot, un des leaders sur le marché de l’EPI en Europe du nord, a fait de la diffusion des affiches, un de ses piliers de communication. Bien qu’écrites en anglais (même au Danemark), elles reprennent le slogan du groupe ainsi que des mots forts résumant les caractéristiques des produits de la marque. Mascot propose également des autocollants à placer au sol ou sur les murs qui reprennent des traces de pas laissées avec des chaussures de la marque. Pour sa part, la société Lemaitre Sécurité propose des flyers à distribuer avec les tickets de caisse.
L’identification visuelle se fait également au niveau du packaging. Outre la reprise du logo et du nom de la société, certains fournisseurs n’hésitent pas à faire preuve d’imagination. La société Volare France qui effectue 50% de son activité au sein des négoces matériaux propose ainsi d’associer les boîtes au monde du bâtiment en reprenant une photo emblématique d’ouvriers américains assis sur une structure d’un building au début du XXe siècle.
Des présentoirs adaptés aux négoces
S’adapter à la surface de vente des négoces matériaux fait partie des sujets marketing sur lesquels se penchent également les fournisseurs. En effet, chaque négoce est unique et il est parfois difficile de créer un concept EPI clé en main. Néanmoins, les chaussures de protection s’adaptent parfaitement à toutes les configurations de magasins car facilement présentables. Les fournisseurs proposent ainsi aux négoces ne disposant pas d’un espace de vente conséquent, des présentoirs classiques en carton ou en plastique pouvant accueillir quatre à cinq modèles. A l’inverse, pour les distributeurs disposant d’un espace de vente plus vaste ou d’un « shop in the shop », les fournisseurs (Mascot, Covepro, Diadora Utility, Sperian…) proposent des présentoirs muraux semblables à ceux des magasins de sport derrière lesquels il est parfois possible de stocker les chaussures. De plus en plus utilisés par les négoces, ce type de mobilier de vente permet au client d’avoir un meilleur recul sur les produits que les présentoirs verticaux classiques, tout en favorisant l’aspect loisir de l’achat.
Un apport technique
Pour aider les chefs de rayon à guider leurs clients, les fournisseurs proposent également des fiches détaillées des produits où sont reprises toutes les informations techniques : normes, type d’embout, type de doublure, type de semelle, applications… Encore diffusées sous forme de fiches papier, ces caractéristiques se matérialisent de plus en plus sous forme d’étiquettes accrochées sur la chaussure ou sur les présentoirs muraux, aidant ainsi le client à faire son choix. La société Lemaitre Sécurité réfléchit également à un outil internet à disposition des distributeurs et des clients qui reprendrait toutes les informations techniques.
L’apport en technicité des vendeurs s’effectue également par le biais des formations organisées soit sur demande du distributeur soit selon la volonté du fournisseur. Outre une présentation des produits, elles permettent d’informer les chefs de rayons sur les différentes normes ou les différentes applications.
De plus, afin d’aider les responsables d’achats à avoir un discours plus technique auprès de leurs clients, les fournisseurs (Gaston Mille, Sperian, Volare, Diadora Utility…) n’hésitent pas à entreprendre des visites accompagnées sur chantiers. Pour les négoces, ces visites permettent d’augmenter leur crédibilité auprès de leurs clients en proposant les chaussures spécifiques à leurs besoins et aux fournisseurs de mesurer les nouveaux besoins des artisans et des ouvriers de la construction.
Des promotions variées
Enfin, pour dynamiser les ventes de chaussures, les fournisseurs participent à de nombreuses promotions. Ces dernières peuvent être organisées soit lors des campagnes des distributeurs, soit suivant la volonté des fournisseurs. Ainsi, si la société Gaston Mille participe à toutes les animations promotionnelles des distributeurs avec lesquelles elle a établi un partenariat, elle propose également des campagnes de séduction accompagnées de cadeaux proches de l’univers de la chaussure tels des boîtes de cirage ou des paires de chaussettes. Volare France cherche également à offrir lors de ces campagnes des cadeaux complémentaires, par exemple des genouillères, mais effectue comme la majorité des fournisseurs, des remises (réduction du prix, chèques cadeau ou gratuité) effectuées au bout d’un certain nombre de paires de chaussures achetées.
Pour les chaussures de protection, les campagnes de promotions peuvent être ponctuelles, pour le lancement d’un nouveau produit, ou correspondre à une période propice à l’achat comme pendant les fêtes de Noël ou au moment de la rentrée de septembre. A noter que comme pour d’autres vêtements EPI, il existe des promotions saisonnières qui permettent aux distributeurs de déstocker et aux fournisseurs de lancer leurs nouvelles collections. Selon l’avis de plusieurs fournisseurs, toutes ces campagnes de promotions devraient s’accélérer car, au sein des négoces matériaux, les chefs de rayon ne sont plus uniquement des magasiniers mais de vrais responsables achats chargés de faire vivre l’univers auquel ils sont rattachés.
Protection, confort, esthétisme
En terme d’offre produit, les négoces matériaux sont proches des artisans et proposent aujourd’hui des modèles qui répondent parfaitement à leurs besoins. A l’instar de ce que les fournitures industrielles ou les spécialistes de l’EPI commercialisent, les notions de confort et de qualité sont des valeurs montantes. Les négoces matériaux axent donc leurs ventes sur le moyen et le haut de gamme sans toutefois négliger les premiers prix. En effet, ces produits de gamme inférieure sont parfaitement adaptés à des clientèles comme les intérimaires pour qui les missions sur chantier sont limitées ou les grosses entreprises qui effectuent des commandes importantes en favorisant avant tout le facteur protection de la chaussure, le confort et la qualité venant au second plan.
D’une façon générale, les négoces matériaux disposent d’une offre composée d’une dizaine de modèles, contre deux à trois il y a seulement cinq ans. Les fournisseurs ont en effet pris conscience des différents besoins des artisans et proposent des chaussures adaptées à chaque condition de travail qui prennent en compte différents critères : confort, légèreté, souplesse, aération, coefficient d’adhérence, crampons, chaussure hydrofuge…
Le composite en plein essor
Afin de favoriser la légèreté et la souplesse de leurs modèles, les fabricants utilisent de plus en plus de composite dans l’élaboration des embouts (polymère ou polycarbonate) et des semelles anti-perforation(kevlar). Outre un gain de poids, l’utilisation de ces matériaux garantit une meilleure résistance à l’amplitude thermique évitant ainsi aux artisans de chausser des modèles froids en hiver et chaud en été. De plus, même si l’acier demeure plus résistant que le composite, ce dernier répond parfaitement aux exigences des normes, aussi bien pour les embouts (200 joules) que pour les semelles anti-perforation.
Plus flexible, le composite permet de travailler sans gêne dans certaines positions, à genoux par exemple, sans provoquer de blessures, d’autant qu’il existe aujourd’hui des embouts anatomiques qui épousent parfaitement le profil du pied.
De plus, en cas d’une chute sur le pied d’un objet dont la force est supérieure à la norme, 100 joules ou 200 joules, un embout en acier à tendance à écraser le pied et à provoquer des fractures alors qu’une coque en composite se casse engendrant, dans le pire des cas, des coupures superficielles ; la chute d’objet étant d’ailleurs l’une des principale cause d’accidents du pieds sur chantier, les fabricants proposent de plus en plus des modèles disposant de renforts au niveau du coup de pied ainsi que de protections latérales qui limitent l’impact des coups sur les chevilles. Quant au confort, il est optimisé par des semelles en textile composite qui suivent parfaitement la voûte plantaire.
Le design, un facteur important
Les artisans ont longtemps été les mauvais élèves de l’EPI, bien que cette tendance semble s’inverser avec l’obligation du port de certains équipements de protection sur chantier. Afin de renforcer cette tendance, les fabricants proposent aujourd’hui des modèles aux couleurs modernes, au design proche de celui de la chaussure de sport portée tous les jours. Cette ressemblance avec les chaussures loisirs se rencontre également au niveau des matières utilisées lors de la fabrication puisque de plus en plus de modèles intègrent du Gore-tex ou du Sympatex qui améliorent les propriétés respirantes de la chaussure.
Les jeunes artisans ou ceux travaillant en alternance sont aujourd’hui plus sensibles au look que leurs aînés et sont particulièrement demandeurs de chaussures de protection qu’ils peuvent porter tous les jours, même durant les week-ends, d’autant que certaines marques issues du bâtiment et de la construction ont fait leur notoriété sur les modèles de loisirs (Timberland, Caterpillar, Dr Martens…).