Cisma & Snas
ABRASIFS
Changer le disque de la non-conformité
Le Cisma et le Snas ont de nouveau mené sur Batimat une opération de contrôle des exposants de disques diamant. Un tiers des produits présentés n’était pas conforme, mettant en jeu la sécurité des utilisateurs. Pourtant, le marquage obligatoire des outils, stipulé par le décret Raffarin de 2003 qui reprend la norme EN 13236, assure une identification immédiate des disques diamant conformes.
La vigilance reste plus que jamais de mise. Depuis plusieurs années, le salon Batimat donne l’opportunité au Cisma (syndicat pour les fabricants de matériels de construction) et au Snas (syndicat national des abrasifs et super abrasifs) de contrôler les exposants de disques diamant, accompagnés dans cette action d’un huissier de justice. Et le constat effectué le 6 novembre dernier est accablant. Quatre stands de disques diamant sur neuf contrôlés exposaient des disques non conformes à la réglementation. Parmi les contrevenants figuraient deux fabricants asiatiques et deux importateurs. Certes, au fil des ans, l’amélioration est notable mais elle reste insuffisante. En 2013, sur treize stands contrôlés, neuf présentaient des disques non conformes. Et en 2011, il s’agissait de onze stands sur quinze contrôlés.
ISO 9002 n’est pas EN 13236
Pourtant, le décret Raffarin de 2003, qui cite la norme EN 13236 et par conséquent la rend obligatoire, stipule clairement qu’il est « interdit de fabriquer, importer, y compris en provenance d’un autre État membre de la Communauté européenne (…) des produits abrasifs non conformes ». Autrement dit, seuls les disques diamant de 100 à 400 mm portant les marquages obligatoires peuvent être commercialisés sur le territoire français. « Le problème, c’est qu’il existe une réglementation, mais les services de répression des fraudes n’en contrôlent pas son application. Ce n’est pourtant pas compliqué de vérifier la conformité d’un disque diamant. Il y a une série de marquages sur le disque », explique Paul Seignolle, président de la section Diamant du Cisma. Ces marquages reprennent une dizaine de critères, assortis de pictogrammes, permettant donc d’identifier visuellement la conformité du produit. « Le label oSa accolé à la norme vient encore renforcer le respect de réglementation et est un gage de sécurité supplémentaire » signale Jean-Philippe Guyot, président du Snas. Rappelons que l’oSa rassemble des fabricants d’abrasifs européens qui prennent en compte des exigences élevées d’utilisation des outils abrasifs en termes de qualité et sécurité, même si son label n’est pas obligatoire.
Évolution de la norme
Pour gagner encore sur le plan de la sécurité, la norme vient d’évoluer avec une entrée en vigueur immédiate. Le 16 octobre 2015, le CEN TC 29/SC 5 a voté l’interdiction du dépôt électrolytique de grains sur les côtés des centres acier des disques diamant, le risque d’effet kick back (blocage subit de la disqueuse provoquant un retour arrière violent de l’outil) étant deux fois plus rapide et plus fort en cas de présence de grains. Il a également imposé le tensionnement des disques qui permet d’éviter la résonance, la déformation et les vibrations excessives, génératrices d’accidents.
Tout comme les fabricants et les importateurs, les distributeurs sont évidemment eux aussi responsables de la mise en marché de produits conformes, avec le cas échéant, des amendes à la clé de 1 500 euros par disque non conforme et de 3 000 euros en cas de récidive. Leur responsabilité pénale peut même être engagée en cas d’accident. « Faites attention lorsque vous allez à Shanghai. Il est parfois écrit sur les disques EN ou ISO 9002... » poursuit Paul Seignolle. Or, ce n’est effectivement pas suffisant. ISO 9002 n’est pas EN 13236. « Parfois on voit même la recommandation de laisser refroidir le disque après utilisation... ».
Un éclat mortel
Un disque non conforme est effectivement susceptible de mettre en péril l’utilisateur. Les disques diamant sont utilisés sur des machines fonctionnant avec des vitesses de rotation très élevées et la plupart du temps sur des chantiers à l’air libre, des facteurs qui accentuent la dangerosité de ce type d’outils.
Un éclat de disque devient un projectile dangereux, propulsé jusqu’à 300 km/h, soit quasiment la vitesse d’un TGV à pleine vitesse. Deux à quatre décès sont enregistrés par an, et il ne faut pas beaucoup d’imagination pour songer aux types de blessures provoquées, au visage notamment. L’enjeu est d’autant plus important que plus de deux millions de disques diamant sont commercialisés annuellement en France, ce qui représente un marché de 80 millions d’euros – l’Hexagone représente 15% du marché européen.
Au delà du risque grave d’accident de l’utilisateur, l’entrée sur le marché de disques non conformes à prix cassé crée une concurrence déloyale entre une commercialisation légale et éthique et une commercialisation sans respect des règles. « On veut clairement pousser la DGCCRF à faire ce travail de surveillance ». Si globalement, la distribution professionnelle est de plus en plus vigilante, les contrôles sont plus difficiles à opérer sur les grands chantiers approvisionnés en direct.
Informer les utilisateurs
Pour Étienne Wèbre, secrétaire général du Cisma et animateur du groupe produits diamantés, le message numéro un est de former le personnel au port d’équipements de sécurité et aux conditions d’utilisation des outils. En janvier 2016, la Fepa (fédération européenne des produits abrasifs) lance d’ailleurs un site européen dédié à la sécurité des produits abrasifs. Des fiches de sécurité sont déjà éditées et téléchargeables sur les sites internet du Snas et de la Fepa. Par ailleurs, des formations à l’utilisation de disques diamantés sont mises en place, à l’initiative du Cisma et du Snas. « Nous travaillons à l’évolution de ces formations, probablement sur le web, avec une certification à la clé. En Grande-Bretagne par exemple, il faut une accréditation pour utiliser une meuleuse » précise Jean-Philippe Guyot. Les deux organismes réfléchissent également à associer la médecine du travail à leur démarche de prévention.