Assises de la souveraineté numérique
L’outil connecté va révolutionner les process
L’outil connecté a été au cœur des débats menés lors du petit déjeuner des Assises de la souveraineté numérique, organisé en partenariat avec Legoueix, sur le thème « Maintenance immobilière et industrielle : quels seront les outils de l’industrie 4.0 ? » Loin d’être un gadget, l’outil connecté participe aujourd’hui à la compétitivité d’une entreprise, ce qui remet toutefois en question le rôle du distributeur et pose la problématique de la souveraineté des industriels, notamment les PME/PMI.
Plus discrets que les objets connectés, souvent considérés comme des gadgets, les outils connectés pénètrent l’univers de l’entreprise, affirmant leur caractère de plus en plus incontournable en termes de sécurité, de gestion des équipements et de connaissance des process. Bientôt incontournables, ils ont été au centre des débats lors du petit déjeuner des Assises de la souveraineté numérique, organisé en partenariat avec Legoueix sur le thème « Maintenance immobilière et industrielle : quels seront les outils de l’industrie 4.0 ? ».
Parti de la simple traçabilité, l’outil connecté a depuis évolué vers des fonctionnalités plus complètes, permettant une meilleure compréhension des process, devenue aujourd’hui un facteur de compétitivité, quels que soient les secteurs d’activité. Ainsi, dans l’industrie, l’utilisation des outils connectés lors de l’instauration de nouvelles opérations productives permet de bien comprendre la globalité du process de production mis en oeuvre, avec toutes les contraintes afférantes, et par la suite mener à bien son automatisation. Dans la construction, personne ne niera la problématique du respect des délais, souvent mis à mal à cause de trop nombreux imprévus, comme le fait de chercher son outil, de matériaux qui ne sont pas livrés au bon endroit, etc., ce qui génère de nombreuses pertes de temps et donc d’argent. « La digitalisation des outils sur le chantier permet de donner accès aux flux des équipements et offre donc les moyens à l’entreprise de progresser. L’outillage connecté a évolué vers un rôle d’amélioration des process. C’est en mesurant les choses qu’elles peuvent s’améliorer et générer de la compétitivité », souligne Yves Antier, président IAR Europe de Stanley Black&Decker et CEO de Facom.
Le distributeur en mutation
Dans ce contexte, quel est impact de l’outil connecté sur le rôle du distributeur ? François Coûtant, dirigeant de Legoueix, estime que ces évolutions, qu’il s’agisse de l’outil connecté, de l’impression 3D et plus globalement des nouveaux outils technologiques, vont entraîner un bouleversement de la chaîne de valeur. « En tant que négociant, notre métier de base qui consiste à acheter un produit et à le revendre n’a pas beaucoup d’avenir s’il n’évolue pas. Mais depuis 1862, nous avons déjà changé de métier quatre fois ! » L’entreprise Legoueix réfléchit ainsi à différents axes d’évolution. « Notre valeur ajoutée sera dans le déploiement des solutions proposées par les fabricants. Nous devons aussi réfléchir à des services autour des objets connectés, facilitant la gestion quotidienne de nos clients qui veulent apporter de l’efficacité opérationnelle à leurs propres clients. Notre rôle est donc d’apporter de la valeur ajoutée à des produits de plus en plus technologiques. »
La démarche est déjà en route. Suite au lancement par Facom de smartphones industriels dont les fonctionnalités sont adaptées aux opérateurs isolés, Legoueix réfléchit par exemple à proposer des applications pour apporter de nouveaux services, qui constitueront donc sa valeur ajoutée. « Notre idée, c’est de récupérer de la data et de l’ordonnancer au profit de nos clients. » Une approche que partage Yves Antier. « Il est important de travailler en amont des applications que le distributeur déploiera dans le domaine de la maintenance, applications qui aideront ses clients à analyser leurs données et obtenir des gains de productivité. La force du distributeur, c’est sa proximité avec le client. » L’heure n’est donc pas à la dématérialisation de la distribution même si Amazon étend sa toile sur tous les univers. « Amazon jouera un rôle par sa puissance. Mais son service local est limité. La force du distributeur, c’est la connaissance du client. Cela lui donne une puissance par rapport à Amazon qui joue sur le volume plutôt que sur la réponse à un détail » ajoute Yves Antier.
Coopération homme-objet
Francis Jutand, directeur général adjoint de l’Institut Mines Télécoms, confirme que notre époque ne s’inscrit pas dans une période darwinienne où l’homme a le temps s’adapter. « Aujourd’hui, quand nous formons des étudiants, ce n’est pas pour 20 ou 30 ans. On leur apprend à apprendre. » La période nous confronte plutôt à une succession de vagues très rapides qui posent d’un part, la question du développement d’outils en phase avec cette métamorphose numérique et d’autre part, celle des rapports entre homme et objet. « Nous devons anticiper cette période de coopération entre l’homme et l’objet, continuer à mettre l’homme au cœur des technologies, pas pour des raisons humanistes mais pour des raisons d’efficacité. Nous pourrons ainsi continuer à faire évoluer la technologie. Nous devons donc être très concentrés et en même temps lever la tête pour savoir où aller et d’où viennent les concurrents. Dans le futur, le danger du numérique, c’est de perdre le métier et la compréhension du client. »
Question
de souveraineté
L’importance de ces enjeux n’a pas échappé aux politiques. Pour Laure de la Raudière, parlementaire chargée de la question du numérique chez Les Républicains, le numérique est d’abord une opportunité pour la France. « C’est un moyen de remettre l’industrie en route et de rendre notre industrie plus productive » précise la députée de l’Eure-et-Loir en rappelant qu’actuellement seulement 12% des emplois de l’Hexagone relèvent de l’industrie. Elle pointe également la problématique de la souveraineté et de la sécurité des entreprises, liées à l’utilisation d’outils connectés qui peuvent présenter des failles. « Cela pose la capacité de l’Europe à maîtriser l’ensemble de la chaîne jusqu’à la protection des données. Les enjeux économiques sont considérables. Si on ne maitrise pas notre industrie de microprocesseurs, nous risquons d’avoir un espionnage d’État. »
Les parlementaires ont également identifié le manque de maturité des PME/PMI face à ces enjeux. « Les grands donneurs d’ordre ont un rôle important de pédagogie et d’entraînement vis-à -vis de leurs sous-traitants. En intégrant les outils connectés, on rend des services plus qu’on ne fait de la production. Cela remet en cause nos frontières entre les donneurs d’ordre, les fabricants, les sous-traitants. Et d’un point de vue politique, on a intérêt à remanier d’urgence les filières scientifiques pour bien comprendre et maîtriser l’utilisation des données. »
Quelle garantie, effectivement, pour un industriel que la souveraineté de ses processus sera préservée à partir du moment où il utilise des objets connectés ? « Les grands industriels ont leur réseau propre » explique Yves Antier, en reconnaissant que pour les PMI c’est plus compliqué et qu’elles doivent se protéger pour assurer leur pérennité. « Ensuite, il y a les données et ce que l’on en fait. Les secrets sont dans l’analyse qui en est faite et des décisions prises derrière. Pour moi, cette partie n’est pas vraiment à risques. » Et un objet connecté sans gestion des données qui en sont issues ne vaut finalement plus grand chose.
Compréhension des process de l’entreprise, connaissance du client, aide à la décision stratégique, la donnée issue de l’outil connecté vient à son tour abonder un immense flux d’informations qui risque bien de submerger l’entreprise mal préparée, plutôt que lui donner les moyens de sa différenciation et de sa compétitivité. L’enjeu stratégique est bien l’analyse des données et cela concerne tous ceux qui, demain, veulent rester un partenaire privilégié des entreprises.
AR
Yves Antier, président IAR Europe de Stanley Black&Decker et CEO de Facom, a rappelé que la grande révolution de l’outil connecté est liée à celles des batteries. « Avec de l’autonomie, les systèmes peuvent commencer à communiquer entre eux. Le paramétrage de l’utilisation de l’outil pour qu’il s’adapte au mieux à l’application devient possible. » C’est d’abord sur une demande de l’aéronautique, soucieuse d’identifier les outils de maintenance et de s’assurer qu’ils avaient été bien récupérés que Facom a commencé à travailler sur l’outil connecté. Si ce dernier n’est pas dans son rangement, l’opérateur en est informé.