Les chaussures de sécurité
Vecteur de bien-être au travail
Participant, comme tout autre produit relevant de la protection de l’individu, à protéger l’homme de certains dangers inhérents à une activité professionnelle, les chaussures de sécurité présentent la particularité de favoriser sans doute plus que tout autre le bien-être au travail, avec toutes les retombées positives qui en découlent. La recherche d’un confort toujours plus grand est ainsi une préoccupation majeure des fournisseurs qui cherchent aussi à satisfaire l’attente très forte des utilisateurs en produits ‘‘lookés’’ reflétant les tendances de la mode. Tout l’art pour les fabricants consiste donc à trouver le meilleur compromis possible entre respect de la norme, confort de port et aspect extérieur du produit, des impératifs pas toujours faciles à concilier. Pour assurer leur pérennité sur un marché très concurrentiel qui ne progresse plus, du moins en France, les marques de fournisseurs de chaussures de sécurité doivent rechercher à se démarquer par une offre véhiculant une image forte et une innovation technique réelle.
Même si la fabrication des chaussures de sécurité s’est en partie automatisée depuis que les Français Mille et Jallatte en importèrent le concept des Etats-Unis au lendemain de la seconde guerre mondiale, cette fabrication comporte aujourd’hui encore diverses opérations manuelles. Schématiquement et chronologiquement, la fabrication d’une chaussure de sécurité à semelle injectée (le procédé le plus utilisé pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons) consiste à découper sur des presses des pièces (de cuir ou d’une autre matière) qui formeront la tige de la chaussure, une fois assemblées par piqûre. La tige est ensuite assemblée à une semelle dite ‘‘première de montage’’ sur une Strobel (du nom de la marque de la machine spécifique utilisée pour ce type de piqûre). L’embout protégeant l’avant du pied des chocs et de l’écrasement est ensuite positionné manuellement. La semelle extérieure puis la semelle intermédiaire (également appelée semelle de confort) de la chaussure sont alors injectées sur l’ensemble ainsi obtenu placé sur une forme (un moule, généralement en aluminium, antérieurement fabriqué et définissant la forme de la chaussure) équipant un carrousel d’injection. Une semelle dite de propreté destinée à optimiser l’hygiène du pied est ensuite placée à l’intérieur de la chaussure de sécurité. Pour répondre à certaines exigences de la norme (cf. encadré), une chaussure de sécurité peut s’équiper d’une semelle supplémentaire, positionnée entre la semelle intermédiaire et la première de montage, destinée à prémunir la plante du pied de la perforation.
Domination de la technologie de l’injection
Ecartant tout risque de décollage de la semelle, donc bien adaptée à des conditions d’utilisation exigeantes comme il peut en exister dans le BTP et dans l’industrie, l’injection est la technique d’assemblage tige/semelle extérieure la plus répandue. Selon les indications de plusieurs fabricants majeurs du marché, les chaussures de sécurité à semelles injectées représenteraient 70% à 90% de l’offre proposée sur le marché. Cette technologie apparue dans les années 1990 et dont l’amélioration régulière a suivi celle du polyuréthane, la matière la plus fréquemment utilisée pour l’injection des semelles de marche, a en effet suscité des adeptes de plus en plus nombreux grâce à ses multiples avantages, à commencer par une grande résistance de l’assemblage tige/semelle. Permettant l’automatisation de l’étape de la fabrication des semelles extérieures et de confort, ce procédé peut s’avérer économique, même s’il nécessite d’importants investissements en machines. Outre la résistance de l’assemblage tout juste mentionnée, on peut aussi mettre au crédit de cette technologie l’accroissement du nombre des matières injectables qui ont permis d’améliorer les chaussures en matière de légèreté, de confort et de look des produits.
La plupart des chaussures qui ne sont pas injectées font l’objet d’un montage collé (également appelé soudé). Cette technologie le plus souvent automatisée autorise la fabrication de chaussures à la semelle assez fine, souvent en caoutchouc. Plusieurs fabricants soulignent le caractère esthétique des chaussures collées mais relèvent aussi une résistance à l’abrasion et aux produits chimiques moins élevée que les chaussures injectées et une moins bonne absorption des chocs au talon. Outre les deux technologies évoquées, il faut aussi citer la vulcanisation. Ce procédé qui consiste à compresser contre la tige une bande de caoutchouc, seule matière utilisée pour les semelles vulcanisées, donne naissance à des chaussures dont la semelle offre une très haute résistance à la chaleur pour répondre aux besoins spécifiques des utilisateurs dans l’industrie lourde.
On citera enfin pour mémoire l’assemblage tige/semelle par piqure simple ou double des chaussures cousues, une méthode traditionnelle autrefois couramment utilisée pour les chaussures de sécurité en cuir. Requérant de nombreuses opérations manuelles, donc coûteux, ce procédé est aujourd’hui pratiquement tombé en désuétude même si certains fabricants inscrivent encore de rares modèles de chaussures cousues à leur gamme pour satisfaire les besoins d’utilisateurs de plus en plus rares.
La sécurité d’abord
Près du quart des accidents du travail sont provoqués par une chute de plain-pied, la glissade étant l’un des tout premiers facteurs de risque au travail. Le grip d’une chaussure, soit sa capacité à adhérer au sol, demeure l’un des principaux axes de recherche des fabricants, parfois menée en collaboration avec des spécialistes des semelles (vous retrouverez la mention d’un des plus réputés dans plusieurs des produits qui vous sont présentés dans ce dossier). Cette recherche d’optimisation de l’adhérence au sol contribue au développement d’une offre segmentée de plus en plus finement, le grip d’une chaussure dépendant de divers paramètres dont la nature du sol, les conditions climatiques et la température. Sur ce point, on évoquera ici la réflexion d’un fabricant français, Bossi S.24 pour ne pas le citer qui estime que, pour que les utilisateurs soient équipés de chaussures les mieux adaptées à leurs besoins, il serait bon que la filière mène des actions pédagogiques visant à expliquer ce que recouvrent exactement certains points de la norme. « En matière d’antiglisse, la majorité des utilisateurs, ainsi que nombre de distributeurs, ignorent quelles sont les caractéristiques et les applications des semelles normées SRA et SRB. Ainsi, suivant le raisonnement selon lequel qui peut le plus, peut le moins, ils s’équipent d’une chaussure à semelle SRC, laquelle ne sera pas forcément la plus performante pour une application donnée ».
Les qualités d’adhérence d’une semelle d’usure ainsi que sa résistance à l’abrasion et aux matières glissantes dépendent de sa conception-même et de son dessin, du type d’éventuels crampons et autres renforts ainsi que de la matière, ou des matières, qui composent la semelle. Ainsi, le PVC, une matière économique et facile à utiliser mais existant en une densité unique et peu résistante chaleur a été largement supplanté par un autre type de polymère, le polyuréthane (PU), une matière souple et légère aux bonnes qualités mécaniques dont le désavantage principal tient à son manque de résistance aux températures de contact élevées. D’autres polymères et élastomères, comme le polyuréthane thermoplastique (TPU), sont venus étendre la gamme des matières disponibles pour l’injection des semelles de marche qui comprend également le nitrile (caoutchouc synthétique) présentant une haute résistance à la chaleur et à l’abrasion. Pour cumuler sur une même semelle les qualités de diverses matières, il est possible d’injecter deux couches de matières différentes ou une même matière en deux densités.
Objectif confort
Un utilisateur de chaussures de sécurité travaillant dans l’industrie automobile parcourrait en moyenne 12 à 14 km par jour, souvent en piétinant, ce qui augmente encore la fatigue. L’ensemble des marques réputées pour la qualité de leurs chaussures ont ainsi fait du confort un impératif absolu, dans l’objectif de réduire la pénibilité du travail et de prévenir les maux pouvant découler du fait de ne pas être correctement chaussés (sensation de jambes lourdes, douleurs ligamentaires voire TMS), générateurs de souffrance… et de nombreuses journées d’arrêt de travail.
Considéré sous cet aspect, le confort d’une chaussure de sécurité s’inscrit bien dans l’une des fonctions principales d’un EPI consistant à préserver la santé de l’utilisateur. « A l’instar de ce qui existe dans l’univers de la randonnée ou du sport, la recherche de confort absolu est une priorité pour le service R&D de la marque » commente-t-on au sein de la toute jeune filiale française du groupe suédois Ejendals dont la marque de chaussures Jalas est entièrement tournée vers le confort de l’utilisateur. Une notion globale à laquelle n’échappe aucun détail de la conception d’une chaussure de sécurité, de la nature de la matière utilisée pour la fabrication de sa tige jusqu’à son système de laçage, en passant par les caractéristiques de ses différentes semelles et de sa doublure !
Nous ne décrirons pas ici par les diverses solutions apportées par les uns et les autres pour faire de leurs chaussures des EPI confortables (vous pouvez les retrouver dans la description des produits, représentatifs de l’offre disponible sur le marché, présentés dans cet article). Nous indiquerons toutefois en reprenant les termes du fabricant cité plus haut que ces solutions visent essentiellement à « guider le pied dans son déroulé naturel lors de la marche, en absorbant au maximum les chocs au talon dus à la marche (et pour cela, chacun à son savoir-faire) et en assurant une bonne répartition des appuis avec un élancement dynamique vers l’avant. »
Plus de bien-être
Partie intégrante du confort d’un EPI, la légèreté est l’un des tout premiers critères de choix d’une chaussure de sécurité. Au fil du temps, les chaussures se sont faites de plus en plus légères – certaines paires de chaussures S3 en taille 42 ont un poids inférieur à 1 000 g –, une amélioration qui doit pratiquement tout à l’évolution des matières utilisées pour la fabrication des produits. Pour prendre l’exemple du polyuréthane, dont nous rappelons qu’il est le plus utilisé dans la fabrication des semelles extérieures et intermédiaires, l’amélioration de sa capacité d’expansion a permis de gagner en poids pour un volume similaire. Si l’on considère les embouts de protection et les inserts anti-perforation, l’évolution est encore plus flagrante. Autrefois seul à entrer dans la composition de ces protections, l’acier s’est vu rejoint par d’autres métaux, plus légers, comme l’inox et l’aluminium, des composites (mêlant parfois polymère, fibre de verre, résine…) et des textiles techniques. Outre améliorer le confort des utilisateurs en allégeant les chaussures, ces matières ont parfois permis de renforcer la sécurité.
A titre d’exemple, on peut citer le concept Duo Protection de Lemaitre qui, pour une protection intégrale de la plante du pied, superpose entre la première de montage et la semelle de confort deux inserts, l’un en acier inoxydable et l’autre en textile technique. En outre, nombre de ces matières relativement récentes ne conduisent pas la chaleur ni le froid et sont amagnétiques, un impératif dans certains environnements de travail. Elles offrent aussi une résistance accrue à l’abrasion et aux produits chimiques, comme le relèvent de nombreux fabricants et notamment le Français Gaston Mille qui indique avoir particulièrement travaillé au cours des deux dernières années sur la conception d’une semelle en PU qui conjugue différentes qualités pour répondre à l’attente du marché en termes de légèreté (le poids de la chaussure est diminué d’environ 20%) , de confort et d’allongement de la durée de vie. Déclinés sous des formes différentes dont des tissus 3D, les textiles techniques confèrent imperméabilité, respirabilité ou encore chaleur à la doublure ou à la tige d’une chaussure. Et puisque l’on parle de la tige, on précisera qu’il existe là aussi, avec l’utilisation des microfibres, des alternatives à la matière naturelle traditionnellement utilisée dans la fabrication des chaussures de sécurité qu’est le cuir.
Choisies pour leurs qualités propres, ces matières synthétiques sont de plus en plus utilisées – même si le recours au cuir est très loin d’avoir disparu (particulièrement pour les produits destinés au secteur du BTP) –, aussi parce qu’elles sont souvent moins chères que le cuir. Faisant l’objet d’une demande croissante sur le marché mondial, celui-ci a en effet subi des hausses importantes au cours d’un passé récent et peut représenter jusqu’à 40% du coût de la chaussure.
Le look, déterminant
« Tout utilisateur d’une chaussure de sécurité pose d’abord ses yeux sur le produit puis, il le prend en main pour juger de son poids » indique Laurent...