Les perçeuses sur établi et sur colonne
Des ventes stationnaires
Stables aux alentours de 10 000 unités, les ventes de perceuses sur établi et sur colonne souffrent d’une baisse de la demande dans les ateliers de production mais conservent tout leur rôle dans les ateliers de maintenance. Ce marché mature et traditionnel est aujourd’hui confronté à une grande sensibilité aux prix, d’où le développement de gammes d’importation malgré une offre européenne toujours bien présente et parfois innovante.
Evaluées globalement à une dizaine de milliers d’exemplaires annuels, les perceuses sur établi et sur colonne dédiées aux ateliers de maintenance, aux chaudronniers, aux ferronniers, aux métalliers et autres serruriers représentent aujourd’hui en France un marché de niche.
Stables, leurs ventes ne peuvent plus asseoir leur progression sur de nouveaux investissements, l’heure étant plutôt à la fermeture qu’à la création d’ateliers en ces temps économiquement incertains. Néanmoins, les acteurs du marché observent des débouchés croissants en direction des ateliers d’entretien d’entreprises et collectivités qui tendent à intégrer une fonction qu’auparavant elles externalisaient.
Si l’essentiel de l’activité est aujourd’hui orienté sur le marché du renouvellement, ce dernier doit également compter avec le développement du marché de l’occasion, crise oblige. Certaines sociétés se sont d’ailleurs montées sur ce créneau après une remise en état des machines. Il faut dire que ces biens d’équipement peuvent dépasser allégrement les vingt ou trente ans de bons et loyaux services.
Ainsi, selon l’un des intervenants du secteur, le marché des perceuses sur colonne et sur établi se divise en deux grandes parties, pesant chacune environ cinq mille pièces. Les machines pour la production représentées par les gros ateliers de maintenance, la serrurerie, les chaudronniers, les métalliers seraient plutôt en régression et ce d’autant plus qu’il existe aujourd’hui d’autres solutions pour percer comme les centres d’usinage, les unités de découpe jet d’eau ou laser... Au-delà d’une capacité de 40 mm dans l’acier, le marché échappe donc aux perceuses.
L’autre grand débouché est celui des ateliers des municipalités et autres collectivités mais il est davantage orienté sur les premiers prix qui ces dernières années enregistrent une forte progression.
Domination de la perceuse sur colonne
De façon générale, ces deux types de perceuses stationnaires répondent aux mêmes fonctions. Elles permettent d’effectuer des perçages très précis (diamètres pouvant aller de cinq ou six millimètres à quarante dans l’acier) dans des matériaux potentiellement variés bien que l’acier et ses dérivés constituent la quasi-exclusivité des applications. Le moteur électrique implanté dans la colonne fait tourner une broche par l’intermédiaire d’une boîte de vitesse (souvent à courroies). Le mandrin est fixé à l’extrémité de cette broche qui peut coulisser verticalement lorsque l’opérateur manœuvre un levier appelé cabestan. La pièce à percer est maintenue dans un étau fixé lui-même sur une table le long de la colonne.
Selon les acteurs que nous avons interrogés, la perceuse sur colonne domine les ventes à hauteur de 60 ou 65% des volumes par rapport à la perceuse d’établi. Logiquement plus petite, cette dernière se pose comme son nom l’indique sur l’établi, à la hauteur du poste de travail. Disposant d’une colonne d’un mètre cinquante ou deux mètres contre un mètre pour les modèles sur établi, la perceuse sur colonne descend elle jusqu’au sol. Elle est donc complètement autonome.
De ce fait, la perceuse sur colonne offre une amplitude de travail plus importante, le passage entre la broche et la colonne étant supérieur. De plus, en règle générale, sa capacité de perçage est plus élevée. Ainsi, la capacité de perçage d’une machine sur établi se concentre surtout entre treize et vingt-deux millimètres alors que pour un modèle sur colonne, elle monte jusqu’à quarante millimètres, voire plus même si au-delà, comme on l’a vu, les utilisateurs se tournent vers les centres d’usinage. Sur ce produit, le cœur des ventes se concentre sur les capacités de trente et trente-deux millimètres.
Les spécialistes du marché établissent également une autre distinction entre les deux catégories de produit. Sur une machine d’établi, la tête se meut sur la colonne. Le modèle sur colonne dispose lui d’une table montée sur une crémaillère qui évolue le long de la colonne. En revanche, la tête reste fixe. Ce constat vaut pour les machines de conception européenne. En effet, les perceuses sur établi fabriquées en Asie présentent elles aussi une table intermédiaire mais avec une tête fixe.
Perceuse radiale
Les perceuses à colonne peuvent également prendre la forme d’une perceuse radiale, dont les ventes sont très marginales. Sur cet équipement, la broche est montée sur un chariot coulissant le long d’un bras pouvant pivoter avec la colonne comme axe. Elle peut être munie d’une tête inclinable permettant de percer selon des axes non verticaux. La perceuse radiale autorise ainsi de grands passages entre l’axe de la broche et la colonne, atteignant jusqu’à 1,10 mètre. Pour ceux qui réalisent de grandes séries sur des pièces de grandes dimensions, elle permet ainsi de gagner en productivité en évitant à l’opérateur de tourner sa pièce à chaque opération. C’est le bras qui pivote sur la colonne et la tête qui se déplace pour aller au dessus de chaque trou à percer.
Haute sensibilité aux prix
Depuis ces dernières années, le tout dans un contexte de haute sensibilité aux prix, l’offre présente sur le marché français est composée de produits d’origine européenne ou asiatique, le plus souvent de Taïwan. En ce qui concerne les Européens, les ventes s’orchestrent entre des Allemands comme Alzmetall et Flott, des Espagnols comme Erlo et Hibernia, des Italiens comme Serrmac et des Français comme Sydéric et Cincinnatti. La liste n’est évidemment pas exhaustive. Ces fabricants, spécialistes de la perceuse stationnaire, capables de décliner une offre très vaste et pointue, doivent compter sur le marché avec les généralistes comme Tool France-Promac et Sidamo pour les plus importants, qui distribuent des machines de fabrication européenne ou asiatique. Sans oublier Opti-Machines plus récent sur cette activité.
Pour mieux répondre à la demande croissante en terme de prix, certains fabricants comme Sydéric ont également fait le choix de commercialiser des gammes d’importation, pour couvrir les besoins de l’entrée et du milieu de gamme, sous les marques Syrette et Sydmaster. La marque Sydéric est réservée aux machines pour l’industrie. L’autre Français, Cincinnati, décline une autre approche. Sa stratégie le conduit à produire une sélection de plusieurs modèles en grande quantité de façon à améliorer ses achats et baisser ses coûts de production pour tenter de s’approcher des prix des machines d’importation. L’entreprise réussit ainsi à proposer au marché des produits conçus et fabriqués entièrement dans l’hexagone, avec des moteurs Leroy Somer, du matériel électrique Schneider, le recours à des fonderies rhônalpines. Et dans ses ateliers, l’ajustement des pièces est effectué dans la plus pure tradition. Les spécialistes font effectivement valoir la différence entre les notions d’assemblage et d’ajustement. Plus l’ajustement des pièces est effectué de façon rigoureuse, moins l’opérateur ressent ensuite de jeu dans sa machine, au profit d’une plus grande précision et d’une moins grande usure des pièces. Cette précision est importante notamment lors d’une descente manuelle du système fourreau-broche (soit l’essentiel des machines) puisque le lorsque le foret touche la matière, l’opérateur le sent à extrémité du cabestan. Le système manuel est d’ailleurs dit sensitif.
Capacité de perçage et de passage
L’argument qualité tend néanmoins à s’incliner devant la notion de prix. La plupart des intervenants ont ainsi structuré leurs gammes en plusieurs niveaux de produits. L’entrée de gamme s’oriente plutôt sur les petits artisans, le milieu de gamme sur les ateliers de maintenance, avec souvent des machines entièrement équipées, tandis que les gammes industrie intéressent ceux qui recherchent de la précision et de la productivité, étant donné leurs cadences de travail élevées.
En fait les principaux critères de choix dépendent des besoins de l’utilisateur, à commencer par les aspects basiques de place dans l’atelier, s’il souhaite par exemple opter pour un modèle sur colonne, et par la disponibilité de l’atelier en courant monophasé ou triphasé. Une machine monophasée limitera évidemment les fonctions (capacité de perçage, taraudage...).
Avant tout, c’est la capacité nominale de perçage qui prime. Au-delà de forets de trente-deux millimètres, le choix se porte obligatoirement sur un modèle sur colonne. La capacité de perçage est donnée par la puissance du moteur selon une formule que les spécialistes connaissent bien... Par ailleurs, la vitesse de rotation du moteur peut également faire la différence entre des gammes d’import et de facture européenne. Pour les premières, elles se situent généralement entre 200 et 2 100 tours/mn alors que chez les autres, elles disposent d’une plus grande amplititude, pouvant partir de 120 tours pour monter jusqu’à 5 000 ou 6 000 tours/mn. Certains fabricants proposent également des perceuses tournant jusqu’à 18 000 tours/mn et offrant des capacités de perçage de l’ordre d’un dixième de microns, dédiées aux industries horlogère, militaire ou médicale et ajustées donc à quelques microns près.
La dimension des pièces usinées va également jouer. Ce n’est pas la peine d’investir dans une perceuse sur établi si le passage entre la broche et la colonne est insuffisant.
Des options essentielles
Le choix des équipements est évidemment crucial et ce d’autant que plus on monte en gamme, plus la machine se personnalise en fonction des besoins de l’entreprise. En effet, les produits d’entrée de gamme ne disposent quasiment d’aucun équipement, se concentrant sur leur fonction première : percer. A l’inverse, les produits de gamme intermédiaire, souvent d’importation, sont livrés tout équipés avec parmi les bestsellers : l’arrosage, l’étau-réversible, éclairage, voire taraudage...
En revanche, les machines dédiées à la production représentées surtout par les perceuses à colonne sont la plupart du temps composées à façon en fonction des besoins : table à mouvements croisés pour le fraisage, taraudage semi-automatique, course transversale longitudinale, variateur électronique de vitesse, affichage digital, descente lente micrométrique pour évoluer par dixième de millimètre, descente automatique, etc.
Utile pour ceux qui produisent en série, la descente automatique permet d’offrir un plus grand confort de travail et d’améliorer la productivité. La présence d’un embrayage électromagnétique permet de générer un système d’engrenage qui fait descendre automatiquement la broche. Arrivée en butée, cette dernière s’arrête toute seule. Il est possible d’automatiser avec plusieurs vitesses de descente selon le diamètre du foret et le type de matériau. L’opérateur n’a ainsi plus besoin de tirer sur les bras du cabestan pour que l’ensemble fonctionne d’où une moins grande fatigue et moins de risques de troubles musculo-squelettiques. De plus, la descente est régulière au profit de la qualité du trou et d’une usure moindre du foret. Et pendant que la machine travaille, l’opérateur peut s’atteler à d’autres fonctions. Disponible surtout sur les perceuses à colonne, la descente automatique, aussi intéressante soit elle, n’a cependant pas encore réussi à détrôner le système manuel (ou sensitif) qui demeure largement dominant.
Le variateur de vitesse, électronique ou mécanique, a lui pris de l’ampleur ces dernières années, notamment dans la maintenance industrielle, permettant d’adapter plus rapidement la vitesse de travail à la nature de la fonction (fraisage par exemple) ou aux différents matériaux rencontrés (inox...).
Affichage à l’écran
D’autres équipements sont jugés plus accessoires comme l’éclairage basse tension, l’arrosage d’huile de coupe ou le centrage de pièces laser. Néanmoins, ce dernier, très présent dans l’univers grand public tend à se développer dans le secteur professionnel au point que des intervenants envisagent d’en doter l’ensemble de leur nouvelle gamme de perceuses d’atelier pour répondre à la demande. Néanmoins, beaucoup de professionnels préfèrent encore tracer leurs pièces avec un stylo de marquage plutôt que de s’en remettre à un système laser qui doit être parfaitement réglé pour être efficace.
Également en vogue, l’affichage par écran a l’avantage de moderniser quelque peu l’image de la perceuse et d’offrir un nouveau confort pour l’opérateur. Récompensé par un Lion d’or sur le salon Industrie 2009, Cincinnati tend par exemple de plus en plus à proposer des machines pilotées par écran tactile ce qui permet de réduire la pénibilité. Cette solution permet en effet de programmer tous les cas de figure de descente du fourreau de broche, de vitesses de rotation, etc. Présent dans plus en plus de gammes, l’affichage de profondeur de perçage permet également de faciliter le repérage de l’opérateur notamment lors d’un perçage non traversant.
Sécurité et réduction des consommations
L’autre axe de développement des professionnels concerne la mise en avant des équipements de sécurité et une recherche en faveur d’une utilisation plus économique de la machine.
Si ces perceuses stationnaires sont soumises à la Directive Machine, et leurs fabricants donc obligés de prévenir les accidents, les éléments de protection sont parfois ressentis comme une contrainte par l’utilisateur. Néanmoins, s’ils sont déjà bien pris en compte par les établissements de formation et autres lycées professionnels, ces arguments devraient prendre de l’ampleur dans les années à venir, les entreprises cherchant à éviter les accidents du travail. Les mandrins sont ainsi dotés d’un capot d’asservissement électrique arrêtant la rotation de la broche à l’ouverture du protecteur. Des microrupteurs de sécurité permettent également d’intervenir au niveau du capot poulies, sans oublier les systèmes d’arrêt coup de poing à l’accrochage. Le but des fabricants est de rendre le plus possible ces équipements inviolables pour éviter que l’opérateur les démonte.
Côté réduction des consommations électriques, les moteurs sont soumis depuis mars 2011 à la norme IE2, exigeant qu’ils consomment moins d’énergie. Des anciens modèles, fabriqués avant l’entrée en vigueur de la norme, sont toutefois toujours en vigueur sur le marché. Moins chers, ils présentent également une puissance plus importante mais également plus gourmande en énergie et pas forcément plus efficace.
Peu d’expositions
Reste que dans les points de vente, les arguments en faveur de la technicité de la machine peinent à se faire valoir, les distributeurs accordant de moins en moins de place au stockage de ce matériel onéreux. Seules les marques qui investissent dans de la consignation réussissent à exposer leurs modèles. Sinon, l’utilisateur doit choisir sa machine sur catalogue ou alors n’est confronté dans le point de vente qu’à du matériel d’entrée de gamme.
Pour mieux accompagner les vendeurs, certains fournisseurs comme par exemple Sidamo ont mis en place une hot-line permettant de les aider à répondre aux questions techniques de leurs clients et les orienter sur la machine qui convient le mieux à leurs besoins. Le conseil à la vente est en effet crucial alors que le rapport de prix entre une machine d’entrée de gamme et une autre de la gamme Industrie est quasiment de un à dix. Dans ce contexte, il est parfois difficile pour l’utilisateur de bien comprendre les différences alors que les machines haut de gamme disposent pourtant d’arguments en mesure de faire basculer la vente en leur faveur. Celui qui réalise des milliers de trous par an peut aisément saisir l’intérêt d’une machine capable de percer en quatre ou cinq secondes et qui se révèlera rapidement plus économique qu’un machine réalisant cette mission en quinze secondes.