Ancrage mécanique lourd
Un marché d'une grande stabilité
Les systèmes mécaniques de fixation de charges lourdes dans les matériaux de construction, dont le béton, n’ont guère évolué dans leur principe de fonctionnement depuis des décennies, exception faite de la vis à béton. Apparu sur le marché il y a une quinzaine d’années, ce produit dont l’utilisation est encore loin d’être démocratisée gagne toutefois régulièrement des parts de marché sans toutefois menacer en rien la suprématie du goujon d’ancrage.
En introduction à ce dossier dédié à l’ancrage mécanique lourd dans les matériaux de construction, à l’intérieur comme à l’extérieur d’un bâtiment, il convient de mieux cerner la notion de ‘‘charge lourde’’ qui ne répond à aucune définition précise. Pour résumer les propos que nous ont tenus sur ce point des spécialistes de la fixation, cette notion concerne des charges à reprendre dont le poids varie, selon les avis, de plusieurs centaines de kilos à près d’une tonne ! Un certain consensus semble en revanche se faire sur deux points : la forte dangerosité potentielle pour les personnes ou/et les biens liée à la rupture d’un système de fixation d’une charge lourde et le fait qu’une fixation mécanique lourde est destinée à un matériau plein et dense, et tout particulièrement le béton (mais aussi dans certains types de parpaings et pierres), même si certaines chevilles métalliques constituent des exceptions à cette règle comme nous aurons l’occasion de le voir.
Pour fixer une charge lourde dans un matériau de construction, deux types de solutions existent, le scellement chimique (mortier à injecter ou capsule à briser) ou l’ancrage mécanique. Pour évoquer brièvement les plus et les moins du premier type de système, on peut mettre à son crédit une action par adhérence (la résine liant la cheville et le support) qui le rend adapté notamment à la fixation dans un matériau creux ou fragile et une absence de déformation du matériau support. Le temps de prise incompressible d’une résine qui la rend incompatible avec une mise en charge immédiate de la fixation et un coût supérieur à celui de l’ancrage mécanique constituent en revanche deux désavantages majeurs de ce type de fixation.
Les atouts de l’ancrage mécanique
La solution mécanique, sur laquelle est focalisé ce dossier, bénéficie également d’atouts de taille, à commencer par la simplicité et la rapidité de pose ainsi que la possibilité de fixer la charge sans aucun délai une fois la cheville posée. Ces avantages majeurs, auxquels on peut adjoindre un coût de revient raisonnable du chevillage d’un chantier font des chevilles (un terme générique qui désigne souvent l’ensemble des produits pour l’ancrage lourd) métalliques des systèmes de fixation de charges lourdes plus utilisés que les scellements chimiques pour la fixation lourde, plusieurs fabricants imputant environ 65 % du marché de la fixation lourde à l’ancrage mécanique. Pour revenir en quelques mots sur le prix limité de la plupart des chevilles métalliques, il s’explique par les volumes très importants produits dans des usines asiatiques à un coût qui permet difficilement à une usine occidentale d’être concurrentielle sur ce point. Nicolas Deu-Philippe, chef de marché Fixations chez Simpson Strong Tie, évoque l’exemple concret de la marque américaine : « Le marché de l’ancrage mécanique étant plus bataillé que celui du scellement chimique et dégageant une marge inférieure, nous avons choisi de produire nos chevilles mécaniques dans nos propres usines implantées en Asie, les chevilles chimiques, des produits à plus forte valeur ajoutée, étant fabriquées dans d’autres régions du monde, et notamment dans nos usines européennes. »
Essentiellement adapté, comme nous l’avons déjà relevé, aux matériaux pleins et denses, l’ancrage mécanique a récemment vu le champ de ses utilisations encore renforcé par l’apparition de chevilles équipées d’un système d’expansion en deux parties (un exemple en est donné avec une cheville Scell-it présentée dans ce dossier) qui les met en capacité d’assurer des fixations de charges lourdes parfaitement sécuritaires dans des matériaux pleins mais également creux.
Les efforts de natures diverses que les chevilles métalliques appliquent sur le matériau support empêchant de réaliser des fixations près du bord ou avec des entraxes (distances entre les chevilles) réduits, des configurations qui ne peuvent pas assurer la pérennité d’une fixation dans le béton, avec les conséquences possiblement dramatiques qui pourraient en découler, semblent constituer en fait les véritables limites du recours à une solution mécanique en fixation lourde, exception faite dans de nombreux cas de la vis à béton évoquée plus en détails plus loin.
Des ETE pour les fixations dans le béton
Mis en place en 2013 en remplacement des ATE (Agréments Techniques Européens) issus au début des années 2000 d’une volonté d’harmonisation au niveau européen de la certification des produits d’ancrage lourd pour le béton, les ETE (Evaluations Techniques Européennes) qui ont une vocation similaire, à savoir préciser à l’issue d’une série de tests les performances d’une cheville de fixation dans le béton ainsi que les conditions de sa mise en œuvre (dimension requise du forage, technique de nettoyage de ce dernier, couple de serrage requis…) relèvent, comme c’était le cas des ATE, d’une démarche volontaire des fabricants. Mais contrairement à ces dernières, les ETE, délivrées par un organisme notifié membre de l’EOTA (European Organisation for Technical Assessment), dont le CSTB en France, sur la base d’un DEE (document d’évaluation européenne), ne sont pas à renouveler (à la condition qu’aucune modification importante n’ait été apportée au produit), un changement fortement apprécié des fabricants si l’on considère le coût important d’une telle homologation qui peut dans certains dépasser 100 Kε selon les propos de plusieurs fournisseurs.
Un ouvrage en béton comportant des zones fissurées et des zones non fissurées (la différence entre les deux est expliquée dans un encadré dédié), l’ETE option 1 concerne les chevilles de fixation dans le béton fissuré et non fissuré tandis que l’ETE option 7 concerne l’ancrage dans le béton non fissuré uniquement. A l’intérieur de ces deux catégories figurent des sous-familles liées à la résistance des bétons à la compression et désignées par la lettre C, comme Concrete (béton en anglais), suivi de deux nombres. Pour prendre l’exemple de la classe de béton C25/30, la plus répandue, sa dénomination indique une résistance à la compression de 25 N/mm², résistance contractuelle sur laquelle s’engage le fabricant.
Les fixations destinées aux nombreux matériaux de maçonnerie qui n’ont pas d’ETE n’en sont pas moins des produits fiables et sécuritaires répondant aux cahiers des charges très stricts de certains organismes.
Et puisque ce chapitre est dédié à l’aspect réglementaire, on le fermera en rappelant l’existence récente de la réglementation Eurocode 2 partie 4 (EN 1992-4) qui remplace les conceptions de calcul antérieures de l’annexe C de l’ETAG 001. En vigueur depuis mars 2019, elle est obligatoire pour les marchés publics (et fortement recommandée pour les marchés privés dans les pays appartenant à l’Union Européenne).
L’acier et le traitement des critères de performance
Outre le design d’une cheville, l’acier dont elle est faite – sur ce point, les aciers européens jouissent d’une forte réputation de qualité, notamment grâce à une résistance et une résilience à la déformation satisfaisantes – et l’éventuel traitement qu’elle a subi, pour une partie ou l’intégralité du produit, influent sur le niveau de ses performances.
En cas d’utilisation en extérieur et pour résister au phénomène de corrosion, l’acier inoxydable A2 ou A4 s’impose… Ou devrait s’imposer eu égard à la réglementation car, pour des raisons de coût, l’inox n’est pas toujours la matière retenue lorsque l’application ne présente pas de danger particulier en cas de rupture de la fixation. Le recours à un acier électrozingué est alors l’alternative la plus fréquente et selon plusieurs avis, ce traitement présentant une protection assez peu élevée contre le brouillard salin (malgré l’augmentation récente du revêtement en zinc de ces chevilles passé de 5 à 7 microns) concernerait environ 70% des goujons, pour prendre l’exemple de la plus utilisée des chevilles de fixation lourde. La shérardisation (alliage fer-zinc) et le revêtement zinc lamellaire (zinc et aluminium) entrent également dans cette énumération, malgré une fréquence sans commune mesure avec le zingage. Situé juste en dessous de l’inox en qualité, l’acier ayant subi une galvanisation à chaud, consistant en un dépôt de zinc en fusion, représente une très bonne alternative à l’inox pour un prix sensiblement inférieur, comme le relève Geoffroy Zirnheld, responsable technique de Fischer France. « Fischer a figuré parmi les tout premiers à mettre sur le marché il y a trois ou quatre ans des goujons galvanisés destinés à des applications en extérieur. Considérant leur prix et la garantie de 12,5 ans dont bénéficient ces produits, ils représentent une alternative très intéressante aux goujons en inox A4 ».
D’autres traitements propres à certaines marques existent, à l’instar du traitement 3DG d’Etanco, « qualitativement situé entre le zingué et l’inox » précise Jérôme Lybeer, responsable de la communication de la marque.
L’usinage d’une cheville est lui aussi important quant à la qualité finale du produit, le matriçage à froid d’un filetage, sans dégradation de la matière, étant à distinguer d’un filetage formé par un décolletage au cours duquel seront coupées les fibres de l’acier.
Le goujon, produit phare du marché
Utilisable dans le...