L'ancrage mécanique lourd
La vis béton monte en charge
Si peu d’innovations réelles viennent stimuler le marché de l’ancrage mécanique lourd, cet univers profite des évolutions techniques et réglementaires de ses produits existants qui cherchent à répondre aux nouvelles contraintes des projets, en mettant à jour leurs certifications. Néanmoins, une catégorie de produits se distingue plus particulièrement, la vis béton, appréciée notamment pour ses facilités d’utilisation. Plus onéreuse, elle n’a, toutefois, pas encore détrôné le goujon.
Le marché de l’ancrage mécanique lourd tient bon. Malgré le ralentissement du marché du bâtiment, notamment du fait de la baisse de la construction neuve, il peut encore compter sur le secteur de la rénovation, relativement épargné, même si l’incertitude est manifeste pour 2024.
L’ancrage mécanique fait partie des deux types de solutions, avec le scellement chimique, qui existent pour fixer une charge lourde dans un matériau de construction, de façon à préserver les personnes ou/et les biens de la dangerosité potentielle liée à la rupture d’un système de fixation. Si la fixation chimique garde toute son emprise sur les scellements dans les matériaux creux ou fragiles, l’ancrage mécanique opère surtout dans les matériaux pleins et denses, et tout particulièrement dans le béton (mais aussi dans certains types de parpaings et pierres), même si des chevilles métalliques constituent des exceptions à cette règle. Il présente aussi de nombreux atouts. Contrairement au scellement chimique, il ne subit pas le délai de prise incompressible de la résine et la charge peut immédiatement être fixée. Par ailleurs, son coût de revient sur le chantier est souvent inférieur à la solution chimique, sachant qu’il est aussi plus bataillé. Evidemment, comme l’ensemble des systèmes de fixation pour charge lourde, l’ancrage mécanique obéit à un cadre réglementaire précis. Ainsi, le type d’Evaluation Technique Européenne, délivré à un produit de fixation, indique notamment dans quel type de béton il est utilisable, option 7 pour le béton non fissuré et option 1 pour le béton non fissuré et le béton fissuré.
Un air de nouveauté
Représentant environ 35% du chiffre d’affaires de la fixation en France, face à la fixation chimique et la fixation légère, l’ancrage lourd mécanique, que l’on désigne aussi sous le terme générique de cheville, se décline en quatre grandes typologies de produits : le goujon d’ancrage, la vis béton, la douille ou la cheville de frappe, le boulon ou la cheville de sécurité. C’est d’ailleurs à l’une d’entre elles, la vis béton, que cet univers doit sans doute de maintenir ses ventes à flot. « La tendance en faveur de la vis béton s’est accélérée. Dans bon nombre d’applications, comme la pose de garde-corps, elle a tendance à remplacer le goujon d’ancrage, même si ce dernier reste encore largement plus utilisé » indique Frédéric Lahousse, directeur commercial de Scell-it, l’une des marques majeures de ce marché, parmi celles qui commercialisent leur offre via la distribution, derrière Spit et Fischer. Cette tendance est ressentie unanimement. « Le développement des vis béton tire le marché parce qu’on en parle un peu comme une nouveauté, même si ce n’est plus une nouveauté. Mais cela donne une dynamique au marché » confirme Karim Tachet, directeur de G&B Fissaggi, fabricant italien spécialiste de la fixation. « Surtout, on s’aperçoit lors des salons et des journées portes ouvertes que la vis béton n’est pas encore entrée dans les moeurs. Cela lui donne donc une marge de progression importante. »
Efficacité de la vis béton
La vis béton existe effectivement depuis au moins une quinzaine d’années. Au départ, elle était souvent utilisée dans la fixation temporaire des étais de banches. C’est justement sa démontabilité qui, entre autres choses, séduit aujourd’hui les professionnels. La vis béton se dépose en effet comme elle se pose, simplement en étant dévissée, la manoeuvre pouvant se répéter plusieurs fois, ce qui est impossible avec un goujon qui ne peut plus être retiré une fois posé. Elle permet aussi des ajustements, par exemple si le professionnel se rend compte que le garde-corps qu’il pose a besoin d’une cale. Il lui suffit donc de dévisser un peu et de glisser cette cale. Ce côté réutilisable abaisse aussi le coût de la vis béton, malgré un coût unitaire plus élevé, surtout si on ajoute le gain de temps qu’elle procure au montage, par rapport à la pose de tout autre système, mécanique ou chimique.
Contrairement aux autres produits d’ancrage lourd mécanique, qui se solidarisent avec le matériau support par un phénomène d’expansion provoquée par serrage ou par frappe, l’ancrage d’une vis béton est dû au taraudage de son filet dans le matériau. Durant sa pose réalisée avec une boulonneuse ou une visseuse à chocs, son filet dur pénètre le matériau sur toute sa longueur sans exercer de contraintes particulières sur ce dernier. Il est donc possible de la poser avec une distance au bord et une distance d’entraxe inférieures à celles de tous les autres systèmes. « Du fait de cette absence de contrainte, les architectes et les bureaux d’études préfèrent donc de plus en plus préconiser la vis à béton » poursuit Frédéric Lahousse.
Pour finir, elle emporte également la mise sur le plan esthétique. Sa tige filetée s’intègre entièrement dans le trou de perçage lors du serrage, alors que le goujon laisse toujours dépasser un bout de sa tige. « Il faut, soit le sur-enfoncer si le professionnel fait un trou suffisamment profond, ce qui est rarement le cas, soit le couper. Et c’est contraignant » confirme Geoffroy Zirnheld, responsable technique de Fischer France
Les gammes s’élargissent
Ses caractéristiques techniques sont également au rendez-vous. D’ailleurs, son coût unitaire plus élevé que les autres solutions s’explique aussi par ses nombreuses homologations, quasiment systématiques, qui font qu’aucune vis à béton n’est banalisée. « La vis béton est conçue dans un acier de haute qualité, en raison de sa fabrication puisque le filet va soit être frappé à froid, soit décolleté, mais aussi parce que sa tête hexagonale doit pouvoir être entrainée par un outil à chocs » explique Karim Tachet.
Preuve de l’intérêt croissant qu’elle suscite, la vis à béton se déploie dans les gammes, avec de nouvelles dimensions (6, 8, 10 mm pour les plus consommées et jusqu’au 14 mm) ou de nouvelles têtes, des versions inox ou bimétal, même si elle n’affiche pas d’innovations majeures. La diversité des têtes équipant ce produit, conçu pour assurer des reprises de charges qui peuvent dépasser 4 500 kg (hexagonale, fraisée, ronde et simple ou double filet, avec ou sans rondelle sous tête...) le rend donc adapté à des applications extrêmement diverses dont la fixation d’installations provoquant de fortes vibrations. « On nous demande de plus en plus de dimensions, de finitions, de formes de tête différentes. Donc, en ce qui nous concerne, on a tendance à plus investir aujourd’hui sur un programme de vis béton que sur un programme d'ancrage classique » reconnait Frédéric Lahousse.
Certains fabricants comme Fischer cherchent aussi à étendre son champ d’application. Ainsi, le fabricant a testé son utilisation dans le cadre d’une rénovation de dalles béton, en tant que connecteur entre la dalle existante et la dalle qui est coulée par-dessus. « C’est une évolution de qualification du produit. Auparavant, le seul moyen de connecter deux dalles était de recourir au scellement chimique de fers à béton » précise Geoffroy Zirnheld.
Le goujon trône toujours
Si la vis à béton progresse, elle ne menace toutefois pas encore la suprématie du goujon d’ancrage qui représenterait la moitié des ventes de systèmes d’ancrage mécanique. L’inertie des habitudes joue sans doute un rôle non négligeable quant au poids dans les ventes de ce système. Les professionnels ont dû également apprendre à faire confiance à la vis à béton dont le procédé est bien différent de celui du goujon. « Les ventes de goujon restent supérieures à la vis béton, mais c’est...