Se protéger des risques mécaniques
Objectif confort
« Un gant qui protège est un gant porté ». Et ce n’est pas le fait que de (trop) nombreuses blessures à la main résultent d’une absence de port des gants qui contredira cette affirmation d’un fabricant. Ainsi, la préoccupation numéro 1 des marques réputées pour la qualité de leur produits tient au confort de gants à l’effet « seconde peau » qui pourront être facilement portés d’un bout de la journée à l’autre. Quant à la fonction première de protection contre les risques de ces équipements, elle est assurée de manière toujours plus efficace par les caractéristiques des matières entrant dans leur composition et par le savoir-faire dont témoignent les marques dans la combinaison et la mise en œuvre de ces composants pour mettre à la disposition des utilisateurs une offre dont la montée régulière en qualité fait l’unanimité.
Coupures, brûlures (provoquées par des produits chimiques ou une chaleur extrême), piqûres, chocs, écrasements, happements, allergies… Chaque année et selon plusieurs sources, dont l’Assurance Maladie, plus de 450 000 accidents professionnels concernent la main, la zone du corps la plus exposée dans l’exercice de nombreux métiers. Ces accidents à l’incidence économique et humaine lourde se traduisent par un coût (direct et indirect) estimé à près de 2 milliards d’euros et aboutissent, dans plus de 1,5% des cas, à une incapacité physique.
Les gants protégeant des risques mécaniques représentant environ une moitié du volume global du marché des gants de protection, on peut en déduire qu’ils devancent les gants spécifiquement conçus pour la protection contre les risques chimiques et contre les risques thermiques. Une incidence somme toute logique vu le grand nombre d’activités où le risque mécanique représente un danger pour la main, dans l’industrie, dans le bâtiment ou encore dans l’agriculture et les espaces verts, sans oublier l’énergie, les transports, la logistique et d’autres secteurs encore.
Pour se protéger efficacement et écarter le risque d’accident ou, à tout le moins, en diminuer considérablement les éventuelles conséquences, le port de gants de protection normés contre le(s) risque(s) encouru(s) est la meilleure des garanties. Le chapitre qui suit a précisément pour objet d’évoquer les points qui ont marqué l’évolution du cadre réglementaire, et plus particulièrement normatif, relatif aux gants de protection contre les risques mécaniques répondant aux exigences de la norme EN 388.
Un cadre réglementaire au champ élargi
Le renforcement des exigences de la norme EN 388 intervenu en 2016 n’explique pas l’amélioration qualitative de l’offre en gants. Toutefois, l’introduction d’un nouveau test de résistance à la coupure par tranchage a très vraisemblablement favorisé une montée en qualité de l’offre, en tout cas en ce qui concerne la résistance à la coupure à travers un test dont la procédure reflète une meilleure prise en compte de la réalité du terrain (cf. encadré dédié à la norme EN 388:2016).
D’autres risques mécaniques complémentaires à ceux pris en compte dans la norme précédemment citée (abrasion, coupure, déchirure, perforation et impact) existent et les gants de protection développés pour s’en protéger répondent à des obligations différentes. C’est notamment le cas des vibrations exercées par une poignée vibrante pour lesquelles l’EN ISO 10819:2013 prévoit de mesurer la transmissibilité des vibrations au niveau de la paume.
C’est aussi celui de la piqûre d’aiguille qui constitue quant à elle un type spécifique de perforation distingué de la perforation industrielle telle qu’elle est définie dans l’EN 388. L’ASTM 2878 (une norme apparue elle aussi en 2016) mesure la force nécessaire pour qu’une aiguille de jauge 25 perce le matériau échantillon d'un gant destiné à protéger du risque de piqûre par une aiguille hypodermique, blessure qui peut entraîner de graves conséquences.
Pour clore ce chapitre consacré à la réglementation, on indiquera également que les équipements de protection individuelle commercialisés sur le marché européen doivent désormais faire l’objet, depuis un règlement du 21 avril 2018, d’un audit périodique qui, concernant les gants de protection, doit se tenir tous les cinq ans pour les matériels de catégorie 2 (protégeant de risques susceptibles d’avoir des conséquences durables sur la santé) et chaque année pour ceux de la catégorie 3 (protégeant de risques mortels ou invalidants). Plusieurs fabricants relèvent que cette mesure qui représente un coût non négligeable pour les acteurs de ce marché participe à rendre l’offre du marché plus qualitative.
Large éventail de supports tricotés
La majeure partie des gants de protection qui nous préoccupent dans ce dossier repose sur une technologie mixte superposant tricot et enduction, laquelle s’est largement substituée à la technique de fabrication traditionnelle du coupé-cousu consistant à découper sur des presses des pièces en cuir ou en textile assemblées par piquage. Le basculement du marché sur les gants tricotés enduits s’explique notamment par un niveau plus élevée de protection et de dextérité, même si les gants en cuir, relevant du coupé/cousu, sont toujours présents dans le catalogue de certaines marques, et notamment dans celui du fabricant de gants monospécialiste Rostaing (un tanneur à l’origine), car ils restent appréciés dans certaines applications pour leur résistance à l’abrasion et à la perforation alliée à l’aspect « vivant » de cette matière d’origine animale.
Destiné à être recouvert (par trempage dans un bain liquide) de matières sur lesquelles nous revenons dans le chapitre suivant et qui confèrent au gant des caractéristiques essentielles, le support d’un gant de protection contre les risques mécaniques, aujourd’hui quasiment toujours « tricoté un fil », c'est-à-dire exempt de coutures susceptibles de provoquer des pressions gênantes, voire douloureuses, peut être fait de nombreux fils obtenus à partir de fibres naturelles ou synthétiques, utilisés seuls ou le plus souvent en mélange, pour cumuler les qualités des différents matériaux dans un même gant.
Sans faire une liste exhaustive de ces matières, on peut mentionner dans les fibres synthétiques de première génération le polyamide (dont l’emblématique Nylon®), une fibre légère, élastique, résistante à l’abrasion, lavable et rapidement sèche ; le polyester, aux caractéristiques proches du polyamide bien qu’offrant une résistante à l’abrasion légèrement inférieure ; l’acrylique, une fibre légère, douce et chaude dotée d’une grande résistance à la traction et à l’abrasion ou encore l’élasthanne, capable d’un grand étirement pour reprendre sa taille initiale dès que la tension s’arrête.
Plusieurs générations de fibres synthétiques
Bien d’autres fibres encore entrèrent au fil des années dans la composition des gants EN 388 et notamment le polyéthylène, résistant à la coupure et à l’abrasion tout en étant insensible aux produits chimiques et aux solvants. Autre qualité du polyéthylène, il est techniquement possible d’y inclure des filaments d’acier ou d’inox protégeant de la coupure, la protection recherchée en priorité par la majorité des utilisateurs de ce type de gants.
L’éventail des fibres utilisées dans la fabrication des gants s’est également enrichi de fibres de haute technologie dont certaines, antistatiques (le Thunderon® en est un exemple), évitent la détérioration des composants ou produits manipulés et sont parfois dotées en outre d’un effet antibactérien et d’une forte résistance à l’usure. D’autres, hydrophobes, possèdent également un pouvoir chauffant élevé comme le Thinsulate®. Proche du carbone, le graphène réunit à lui seul de nombreux avantages dont la souplesse, la longévité, la légèreté, une résistance élevée à la coupure, au feu et à la chaleur. On remarquera que certaines de ces fibres, coûteuses, ne sont pas d’une utilisation très fréquente dans les applications liées aux gants de protection, en tout cas aujourd’hui.
Cette liste non exhaustive se ferme sur l’évocation de fibres aux propriétés tactiles permettant d’utiliser les écrans, particulièrement ceux des mobiles, sans avoir à retirer ses gants et dont l’utilisation par les différentes marques du marché augmente de manière soutenue et continue. L’exemple le plus significatif à cet égard concerne la marque ATG, commercialisée en exclusivité en France par Difac. Depuis le début de l’année 2021, toutes les références des gants de protection contre les risques mécaniques mis en fabrication dans les usines ATG sont dotées de propriétés tactiles, ce que, sauf erreur de notre part, la marque sri-lankaise est la seule à proposer sur le marché.
Main mise du polyuréthane et du nitrile sur l’enduction
Le fil tricoté le plus performant en matière de protection, notamment à la coupure, ne sera d’aucune utilité s’il n’est pas recouvert d’une enduction, ne serait-ce que pour le protéger des agressions extérieures. Mais le rôle d’une enduction ne se limite pas là et les caractéristiques de ces polymères et élastomères (des polymères aux propriétés élastiques) qui jouent un rôle majeur notamment dans la respirabilité et le « grip » du gant, complètent ou s’ajoutent selon les cas à celles du support en tricot pour aboutir à la performance globale d’un gant.
Parmi les plus utilisés figurent le PVC reconnu pour sa résistance mécanique, ses qualités de préhension sur la plupart des surfaces et son étanchéité mais qui enregistre un certain recul avec les années, peut-être à cause d’une souplesse qui n’est pas en adéquation avec les exigences croissantes du marché. Le latex et le néoprène, des caoutchoucs synthétiques étanches et flexibles possédant un bon grip sur les surfaces humides et grasses restent utilisés pour leurs qualités indiscutables mais sans doute moins que dans le passé à cause de leur caractère allergisant.
D’autres polymères plus récemment développés dont le butyle, le fluoroélastomère ou encore le PVA (alcool polyvinylique) peuvent être utilisés en enduction et atteignent de hauts niveaux de performance mais ils restent cantonnés à des niches de marché à cause d’un coût élevé. Quelle que soit la fréquence d’utilisation des différents polymères pouvant donner lieu à une enduction de gants de protection, tous restent loin derrière les deux matières phares que sont le nitrile et le polyuréthane (PU). Une résistance élevée à tous les risques mécaniques ainsi qu’une bonne préhension sur surface sèche ou grasse et l’étanchéité aux liquides, dont les huiles, sont à mettre aux crédit de ces matières, le nitrile ayant une légère supériorité technique selon plusieurs acteurs du marché qui utilisent essentiellement cette matière pour l’enduction de leurs gants tandis que le polyuréthane conserve sans doute la tête en matière de volumes traités pour l’enduction des gants grâce au fait qu’il est moins coûteux.
Un savoir-faire multiple
Disponibles dans des niveaux de qualité différents, les matières premières utilisées dans la fabrication d’un gant jouent un rôle important, mais pas unique, dans la performance du produit final, le savoir-faire du fabricant étant également déterminant sur ce point. Celui-ci s’exerce à tous les niveaux de la fabrication du produit, et même avant, dès la conception du design du gant dont dépendra la forme de ce dernier, en partie responsable du niveau de fatigue ressenti par l’utilisateur au fil d’une journée de travail. Le choix le plus judicieux des matières, et celui des associations possibles entre elles qui impliquent une connaissance parfaite des caractéristiques desdites matières, est un facteur primordial de la performance du produit fini. Marjorie Casaux, ingénieur produits chez Rostaing, illustre ces propos lorsque lorsqu’elle évoque la recherche d’accroissement de la durabilité des produits, une démarche de l’industriel « qui consiste d’abord à identifier les zones d’usure des gants puis, avant même le process de fabrication, à sélectionner les matières les plus résistantes, ce qui...