Les dégrippants

Glissement accéléré vers le bio

Si la proposition de produits plus respectueux de l’environnement et de la santé humaine sur le segment des dégrippants n’est pas nouvelle, les ventes générées par ce type d’offre s’accélèrent sur le marché de la maintenance industrielle. De l’avis de la quasi-totalité des marques implantées dans les réseaux de la distribution professionnelle, le marché des lubrifiants dans son ensemble, et en particulier celui des dégrippants auxquels est consacré ce dossier, est ainsi en cours de basculement vers des produits éco-conçus. Leur efficacité, de mieux en mieux reconnue, n’a rien à envier à celle des dégrippants de générations précédentes et ils remplissent les critères d'innocuité de plus en plus souvent exigés  de la part d’utilisateurs qui semblent enfin prêts à dépenser plus pour voir leurs attentes satisfaites. Concernant les autres tendances fortes de ce segment de marché des lubrifiants liquides, il faut également mettre en exergue le système « double spray » qui fait une percée sensible. 

Appliqué entre les surfaces frottantes d’un mécanisme, un lubrifiant (des mots latins lubricus et fieri, étymologiquement ‘‘rendre glissant’’) permet de faciliter le fonctionnement de ce mécanisme en augmentant sa longévité et en accroissant sa fiabilité. Cette définition simple recouvre en réalité un ensemble de fonctions visant, entre autres, à réduire les frottements dans les machines, notamment pour économiser l’énergie et/ou participer au refroidissement des machines ; combattre l’usure des machines provoquée par des causes diverses dont le grippage ; protéger les organes de la corrosion ;  absorber les chocs et réduire les bruits ou encore garder propres les surfaces et circuits en évacuant des salissures indésirables (poussières, débris d’usure, eau…). 

L’une des principales causes du grippage de pièces mécaniques est la rouille, engendrée par la corrosion du métal provoquée par des causes diverses dont l’humidité, une ambiance saline, la réaction chimique provoquée par certaines substances, voire même un simple contact métal contre métal. Parfois accompagné de grincements désagréables, le grippage ne menace pas les seules surfaces en métal mais également diverses autres matières dont le plastique.

Les lubrifiants dont on peut relever la contribution majeure qui a toujours été la leur dans la progression de l’industrie se répartissent en trois sous-familles. 

Les lubrifiants solides, dont les plus couramment utilisés en maintenance industrielle sont le graphite, le bisulfure de molybdène et le PTFE, sont utilisés seuls en lubrification sèche (sans huile) ou associés à d’autres lubrifiants pour en  améliorer les performances. Les lubrifiants semi-solides comprenant  essentiellement les graisses lubrifiantes, mais aussi des cires, paraffines et vaselines extraites du pétrole sont destinées elles aussi à des applications lubrifiantes. 

Le plus utilisé des lubrifiants 

Cités à la fin de cette énumération mais n’en constituant pas moins la première famille de lubrifiants en volume, laquelle représente sans doute plus de 90% du volume global des lubrifiants commercialisés sur le marché estimé en 2020 par le Syndicat National de l’Industrie des Lubrifiants à 160 000 tonnes, figurent les lubrifiants liquides. 

Suscitant les plus nombreuses ventes dans la catégorie des lubrifiants liquides qui comprend également des huiles spécifiques (huiles spéciales chaînes, spéciales engrenages...) et des huiles de coupe, les dégrippants s’affichent ainsi comme les champions incontestables du marché des lubrifiants, multifonctions largement en tête. 

Nécessitant une action manuelle finale, le dégrippage est très fortement favorisé et simplifié par l’application d’un dégrippant, lequel peut aussi  avoir un action préventive, notamment en limitant les effets néfastes de l’humidité, d’une température élevée ou encore d’une forte pression sur l’assemblage, au même titre qu’un anti-grippant, un produit à base d’huile solide ou liquide s’appliquant dès le montage d’un assemblage. 

Spécifiques et multifonctions  

Aussitôt le  dégrippant appliqué, les solvants agissent en dispersant les résidus et autres poussières. L’huile de base du produit vient ensuite créer une film lubrifiant pour faciliter le dégrippage. Une fois le gaz propulseur et les solvants évaporés, demeurent l’huile et les additifs que cette dernière contient et sur lesquels nous reviendrons plus loin (de même que sur les autres composants des dégrippants).  

Deux catégories de dégrippants existent, les multifonctions et les spécifiques. La manière dont ils agissent et leurs composants sont généralement similaires, la différence portant essentiellement sur la proportion de leurs composants. Comme le sous-entend la dénomination de ces produits, le spectre d’utilisation d’un multifonction est plus large que celui d’un spécifique, essentiellement dédié au dégrippage (d’où les termes parfois employés de dégrippant mono-fonction pour le désigner). 

Si la différence entre ces deux types de dégrippant peut dans certains cas sembler relever d’abord du marketing, le dégrippant spécifique est reconnu par l’ensemble des fournisseurs comme étant supérieur au multifonction dans la désintégration de la rouille et autres salissures grâce à une plus grande capacité de pénétration au cœur d’un système bloqué. La supériorité de ce produit plus mouillant et moins gras que le multifonction est d’autant plus marquée que la tension superficielle du liquide est faible. 

Si l’on s’en réfère aux propos des fournisseurs proposant les deux types de dégrippants,  l’élaboration  des dégrippants spécifiques requiert un savoir-faire supérieur, comme l’exprime Olivier Bortot, chef produits chez ITW Spraytec, la filiale française d’un groupe américain figurant parmi les tout premiers acteurs du marché mondial de la maintenance industrielle et de la sécurité des sites :  « En matière de dégrippants, la spécialisation d’ITW Spraytec passe surtout par les références de dégrippants spécifiques Rocol, des produits à plus forte valeur ajoutée que les mono-fonctions commercialisés sous la marque Jelt, et autour desquels des argumentaires de ventes spécifiques à chaque produit peuvent être assez facilement bâtis. » Un avis partagé par les autres industriels présents sur le segment des dégrippants spécifiques parmi lesquels Fuchs dont la spécialisation en lubrifiants se traduit notamment par une offre en dégrippants spécifiques supérieure à celle qu’il propose en produits multifonctions. 

Certaines propriétés particulières comme la possibilité de provoquer un choc thermique sont également l’apanage de dégrippants dits spécifiques. Dans ce cas, l’action d’un gaz liquéfié réfrigérant (obligatoirement différent du gaz HFC 134 A, très couramment utilisé avant l’interdiction de son utilisation en 2018) provoque la rétractation du métal support conduisant au fait que la rouille se casse. 

La certification alimentaire, abordée plus loin dans l’article est, elle aussi, assez répandue parmi les dégrippants spécifiques, même si de rares dégrippants classés parmi les multifonctions possèdent également cette certification. 

Cinq fonctions principales  

« Outre une performance réelle de dégrippage, les toutes premières attentes concernant un dégrippant tiennent à sa rapidité d’action et au fait que les pièces dégrippées ne soient en aucune manière altérées. L’offre de Bardahl, visant avant tout l’efficacité, est développée dans ce sens » énonce Frédéric Fievet, directeur commercial de l’entreprise franco-américaine spécialiste des lubrifiants qu’elle formule,  fabrique (notamment dans sa propre usine implantée à la frontière belge) et dont la marque éponyme, présente dans les circuits professionnels et en GSB est également commercialisée en direct aux utilisateurs finaux. Concernant l’intégrité des pièces dégrippées, on attirera l’attention du lecteur en rappelant qu’un dégrippage réalisé au moyen d’un outil de type chalumeau (voire découpeuse) est loin d’être à même de l’assurer, sans même évoquer l’aspect peu sécuritaire de ce type de pratiques ! 

Constituant la base d’un dégrippant, une huile lubrifiante a la capacité de déplacer l’eau et de s’infiltrer dans les moindres interstices pour chasser la rouille. Outre lubrifier, chasser l’humidité et dégripper, des fonctions communes à tous les dégrippants, un dégrippant multifonction a également la faculté de nettoyer, ou plus exactement d’ôter d’éventuelles traces de graisse, et de protéger de la corrosion, ce qui ajoute à l’action curative du produit une action préventive appréciée de professionnels comme des métalliers, pour le stockage de pièces découpées et/ou usinées dans des endroits possiblement humides.
Certains dégrippants multifonctions ajoutent encore d’autres fonctions à ces fonctions de base tels un effet dégoudronnant, la dilution des colles et de la résine ou encore la protection des moules et de certains outillages utilisés dans les fonderies, verreries, usines d’emboutissage ou d’injection de plastique…  

L’huile fait le dégrippant 

Principal élément de différenciation entre les produits et composant d’un dégrippant sur lequel repose l’essentiel de la technicité du produit fini, l’huile représente au minimum les trois-quarts de la composition du produit fini, une proportion qui peut grimper jusqu’à 85%. 

L’huile de base d’un dégrippant dont la capacité à s’insinuer dans le moindre interstice d’une pièce pour la dégripper est d’autant plus élevée que sa viscosité est faible (pouvoir mouillant élevé) peut avoir diverses origines. Résultant du raffinage du pétrole brut –  la qualité intrinsèque de ce dernier déterminant en grande partie la qualité du produit fini – les huiles minérales sont toujours les plus employées dans la formulation des dégrippants, malgré la montée en puissance d’huile de base d’origines différentes. Plus le degré de...