Mesure courte
Le ruban a toujours la cote
Se présentant comme l’un des marchés les plus volumineux de l’outillage, la mesure courte est utilisée par tous les corps de métier du bâtiment et de la maintenance. Très concurrentiel, ce marché de renouvellement s’orchestre selon deux approches différentes : des produits économiques pour les utilisateurs occasionnels et des produits à plus forte valeur ajoutée, aux caractéristiques techniques évoluées, pour ceux qui en ont une utilisation quotidienne.
Estimée aux alentours de vingt millions d’euros dans l’univers professionnel en France, la mesure courte est l’une des quatre familles de produits utilisés pour la prise de cotes, avec la mesure longue, la mesure pliante et le télémètre laser. Selon les différents observateurs, elle domine d’ailleurs largement en unités ces autres univers même si, en l’absence de panels officiels, les données chiffrées sont à prendre avec les précautions d’usage.
Faisant partie des mesures roulantes, dites aussi mesures linéaires ou encore mesures souples et flexibles, la mesure courte se distingue de sa comparse, la mesure longue, par sa capacité à opérer sur des distances inférieures à dix mètres. Ce qui ne l’empêche pas de représenter l’essentiel des mesures roulantes, marché évalué globalement à environ 26 millions d’euros.
Entrant en action sur des distances donc supérieures à dix mètres, la mesure longue tend il est vrai à être concurrencée par le télémètre laser bien que ce dernier soit davantage tourné vers le gros œuvre et réponde à des problématiques de mesures plus complexes et de grande précision (volumes, surfaces...), dépassant largement le cadre de la simple mesure linéaire d’un point à un autre. Cet équipement s’inscrit par ailleurs dans le cadre d’un achat d’investissement alors que les mesures roulantes (courtes et longues) et pliantes s’apparentent à du consommable. De son côté, la mesure pliante, métal ou bois, ne représente plus que 5% des ventes totales de l’univers mesure et traçage en France et 12% en Europe. Néanmoins, elle conserve encore sa place dans les habitudes de certains pays, détenant 40% de ce marché en Allemagne ou en Europe Centrale et 35% en Scandinavie.
Un marché mature
Dans l’Hexagone, la mesure courte fait donc partie des outils de base de tous les corps de métier du bâtiment ou de la maintenance, et ce d’autant plus le professionnel qui a opté pour une mesure longue ou un télémètre laser dispose aussi d’une mesure courte.
Au fil du temps, la mesure courte a donc su conserver sa suprématie sur ce marché, au point de se positionner comme l’une des plus importantes familles de l’outillage. Chez Stanley, leader historique du marché de la mesure courte en France, avec une part des ventes estimée à 30 ou 40% dans le secteur professionnel, cette famille figure comme la plus importante catégorie de produits en volume.
Cet outil souvent considéré comme un consommable est aussi un bon indicateur des difficultés conjoncturelles du marché. Ainsi, ses ventes seraient en baisse d’environ 4%, en phase avec le ralentissement du marché de la construction. Toutefois, la mesure courte souffre sans doute moins que d’autres familles de produits, étant donné les fortes contraintes d’utilisation auxquelles elle est soumise, notamment sur les chantiers : perte, vol, chute en hauteur, écrasement, contact avec la poussière, le ciment, etc. Elle obéit donc à une logique de renouvellement importante.
Néanmoins, ce marché aux volumes conséquents attire également un nombre grandissant d’acteurs. Irwin, par exemple, a lancé en 2011 une gamme de neuf références pour enrichir son offre mesure-traçage. Globalement, la plupart des marques intervenant dans l’outillage ont complété leur gamme, parfois avec simplement une ou deux références. La mesure est, comme le cutter, le produit idéal pour compléter un franco avec des produits issus bien souvent d’un sourcing asiatique. Ces gammes n’ont évidemment rien à voir avec celles des spécialistes de la catégorie comme Stanley qui compte 56 références de mesures courtes, inscrites sur les différents segments de prix, ou Top Metro qui se positionne plutôt sur le haut de gamme du marché avec une vingtaine de produits conçus à partir d’un véritable cahier des charges avec le Taïwanais Index, l’un des deux premiers fabricants mondiaux. Depuis quelques années, les intervenants historiques doivent également compter avec d’autres acteurs européens, notamment des Espagnols et Italiens qui confrontés à la crise sur leurs marchés internes, ont élargi leur champ d’action, parfois à grand renfort de prix agressifs.
Il ne faut pas oublier non plus les MDD qui, depuis plusieurs années, jouent un rôle non négligeable sur ce marché avec des offres positionnées à bon rapport qualité-prix. Néanmoins, certains font remarquer que les artisans qui repèrent des mesures roulantes marquées au nom de l’enseigne ont tendance à demander à leur distributeur de leur en faire cadeau, un peu comme s’ils considéraient ce produit comme un objet publicitaire !
Un véritable outil
Si les produits économiques demeurent légion dans les points de vente avec des prix démarrant autour de deux ou trois euros, leur poids est sans doute moins important dans le secteur professionnel qu’en grand public où les produits inférieurs à sept euros représentent 50% des ventes.
Les mesures low-cost sont souvent destinées aux grands comptes pour équiper notamment des intérimaires sur les chantiers. Dans l’industrie, où les conditions d’utilisation sont moins difficiles que dans le bâtiment, et où le recours à la mesure est moins fréquent, l’attention à la qualité est sans doute aussi moins prégnante que chez celui qui se sert d’une mesure quotidiennement. Toutefois, contrairement à la tendance amorcée ces dernières années, les acteurs du marché observent un certain mouvement en faveur de produits plus haut de gamme. D’ailleurs, l’une des principales ventes de Stanley n’est autre que le FatMax Xtrème en 5 mètres positionné à 32 euros.
Il faut dire que même malmenée sur un chantier, manipulée par des mains grasses ou pleines de ciment, la mesure courte a plus de chances de rester performante dans la durée si elle dispose de véritables caractéristiques techniques, gage aussi de son confort d’utilisation et de sa précision, critères évidemment importants pour un professionnel soucieux de productivité et pour qui une erreur de cote peut avoir une incidence financière. A noter que la grande majorité des produits vendus sur le marché professionnel entrent dans la Classe II, norme de précision européenne. Ainsi, une mesure en Classe de précision II admet une tolérance de 0,7 mm sur deux mètres alors que cette tolérance est de 1,4 mm en classe III, le double donc.
Evolution vers le cinq mètres
Globalement, les ventes de mesures courtes se composent essentiellement de produits dits standard, c’est-à-dire de mesures polyvalentes, déclinées en différentes longueurs et épaisseurs, divers types de boîtier et de qualité, permettant d’effectuer les prises de cote les plus courantes, en contre-butée ou en tirée.
En fonction de l’application, le premier critère de choix d’une mesure réside dans la longueur totale du ruban que l’utilisateur peut dérouler. Globalement, une mesure courte s’étend d’un à dix mètres, les produits se hiérarchisant principalement en trois, cinq, huit et dix mètres. Le cœur du marché se concentre aujourd’hui sur les mesures de cinq mètres, suivies par les trois mètres.
Utilisées notamment par les opérateurs de maintenance et d’entretien qui interviennent souvent à l’intérieur pour du contrôle, ces dernières sont très présentes dans la fourniture industrielle.
Dans le bâtiment, la préférence va plutôt aux longueurs de cinq mètres et plus, les charpentiers optant même pour des mesures supérieures à huit mètres. En revanche, le plombier et le menuisier qui travaillent plutôt à l’intérieur privilégie plutôt des rubans de trois mètres.
Du large
Par ailleurs, la largeur du ruban a pris au fil des ans une importance croissante. Si pendant longtemps, la mesure s’est contentée d’une largeur de 13 mm, les ventes s’orientent aujourd’hui sur les 19 et 25 mm, avec même un mouvement en faveur du 32 mm. Toutefois, dans l’industrie, les largeurs moyennes ne dépassent guère les 13 mm, ce qui va de concert avec les longueurs communément utilisées par ce secteur d’activité.
Néanmoins, cette évolution n’est pas anodine car plus le ruban est large, plus la portée sans décrochage est importante. Aujourd’hui, certaines marques annoncent des rigidités de rupture allant jusqu’à trois ou quatre mètres, c’est-à-dire que le ruban tiré peut conserver sur ces longueurs sa rigidité sans plier sous son propre poids. L’utilisateur gagne ainsi du temps lors des reports de cotes et en praticité pour les mesures en hauteur ou au-dessus d’un vide.
Pour obtenir cette rigidité, le ruban est alors bloqué à la longueur souhaitée par un curseur ou, pour les modèles plus sophistiqués, par un bouton poussoir qui exerce une pression pour empêcher le retour du ruban à l’intérieur. Plus facile d’utilisation, le bouton-poussoir permet aussi au professionnel, qui intervient parfois dans des endroits peu faciles d’accès, de bloquer le ruban par une simple pression du doigt.
La distance de rupture dépend également de la cambrure du ruban, considérée comme un signe extérieur de qualité car liée à la largeur de la lame, à sa matière et au diamètre du mandrin du ressort autour duquel la mesure va s’enrouler. Ainsi, plus le ruban est cambré, plus il est rigide.
L’épaisseur du ruban a tout autant son mot à dire. Mais son impact concerne davantage la durabilité du produit, au niveau de la résistance par exemple face aux risques de pliures, tout en sachant qu’une mesure doit être capable de rigidité tout en préservant sa flexibilité.
Différents revêtements
Le revêtement du ruban est un autre critère constituant la montée en gamme des mesures, déterminant à la fois la longévité du produit mais aussi son confort d’utilisation. C’est un élément essentiel permettant au ruban de contrecarrer les éléments extérieurs qu’il subit et de faire face aux incessants mouvements d’entrée et sortie auxquels il est soumis.
Plusieurs types de revêtements sont en vigueur sur le marché. Les produits les plus simples sont simplement laqués, la lame d’acier étant revêtue uniquement d’une peinture rarement capable d’assurer très longtemps la lisibilité des inscriptions de mesure. Sur le marché professionnel, une grande partie des mesures proposent des lames vernies, offrant une plus grande résistance.
Dès que l’on monte en gamme, le ruban est revêtu d’une couche de nylon permettant à la mesure de gagner en longévité, mais aussi en confort d’utilisation. Non seulement les inscriptions ne s’effacent pas, mais le revêtement peut être anti-reflet, ce qui est utile en cas de fort ensoleillement. Par ailleurs, il favorise le bon retour de la lame à l’intérieur du boîtier, même si cette dernière a été légèrement pliée.
Pour les produits les plus performants, d’autres revêtements proposant des protections supérieures existent comme par exemple chez Stanley, le Mylar, une feuille de matière synthétique collée à chaud sur toute la lame, qui permet de décupler la durée de vie du produit, ou encore le film Blade Armor. Ce dernier revêtement est appliqué sur les quatorze premiers centimètres de la mesure, les plus sollicités par l’utilisateur. L’usure liée à l’abrasion est encore amoindrie et le risque de casse réduit de 95%.
Lisibilité
Par ailleurs, pour favoriser la lisibilité dans tous les cas de figure, les mesures peuvent être à lecture directe. Grâce à la présence d’une fenêtre sur le boîtier, elles donnent alors les moyens à l’utilisateur, de lire la mesure exacte quand ledit boîtier est en butée, comme par exemple pour la prise de cotes entre deux parois. Ce type de mesures est notamment utilisé par les menuisiers, pour la pose de fenêtres par exemple. En revanche, les mesures à lecture digitale ont quasiment disparu du marché, sans doute concurrencées par les télémètres laser.
Certains rubans autorisent également une lecture double face ou encore intègrent des éléments fluorescents de façon à améliorer les conditions de lisibilité, y compris dans des conditions de faibles luminosité.
Questions d’accroche
Sans doute moins visible, la qualité du mécanisme intérieur est toutefois perceptible par l’utilisateur car elle est liée notamment au système de freinage du retour du ruban. Si la rentrée du ruban est trop vive, le crochet situé à son extrémité risque de se fragiliser et donc de casser. La mesure peut donc intégrer un ressort texturé, qui permet d’atténuer ce mouvement, et des freins. Elle peut être également dotée d’un système de retour automatique.
La qualité de la fixation de l’équerre présente en bout de ruban est également importante, surtout pour les mesures de grandes longueurs qui ont beaucoup de distance à rembobiner. L’équerre peut être fixée avec un ou deux rivets jusqu’à trois ou quatre rivets, voire cinq rivets, dès que l’on grimpe en qualité. Ces derniers vont permettre au ruban de revenir indéfiniment dans le boîtier. Effectivement, si le crochet mal arrimé saute lors du retour, le ruban devient inutilisable.
Différents types de crochet sont proposés, considérés parfois comme des plus produit ajoutant à la praticité d’utilisation mais aussi jugés essentiels pour certaines applications. C’est le cas des accroches magnétiques, appréciées notamment des plaquistes pour les mesures sur parois métalliques. Les crochets multiprises permettent eux de fixer le ruban sur un grillage, un parpaing, une poutre et de favoriser là encore la rapidité de la prise de mesures. Considérant que l’utilisateur ne possède souvent qu’une seule mesure, Stanley travaille d’ailleurs sur la conception d’une mesure intégrant dans son boîtier plusieurs crochets (large, aimanté...) pour permettre au professionnel de mieux appréhender les différentes configurations de mesure auquel il est confronté.
Certains produits disposent également d’un crochet avec position en zéro réel. Grâce au crochet coulissant, l’origine de la mesure reste la même, en butée ou en accroche, et le métrage est au plus juste, évitant les erreurs d’un à deux millimètres à cause de l’épaisseur du crochet.
Boîtiers ergonomiques
Elément le plus immédiatement visible, le boîtier devient de plus en plus ergonomique, qu’il soit rond ou carré, en plastique ABS ou en métal. Si la majorité des ventes repose sur les boîtiers ABS incassables, les boîtiers bi-matières (caoutchouc avec du métal ou de l’ABS) progressent. Le caoutchouc permet de mieux amortir les chocs et offre une résistance à la transpiration ou encore aux solvants et autres matières acides, le côté soft grip apportant évidemment une bonne prise en main, y compris en cas de port de gants.
A l’instar de Top Metro, certains fournisseurs jouent également la carte du design en proposant des tonalités modernes qui sortent de l’ordinaire ou encore des boîtiers inox qui renforcent le produit dans son aspect professionnel. A noter que pour les atmosphères salines et les milieux humides comme l’agroalimentaire, il existe également des mesures courtes tout inox.
Avec l’allongement et l’élargissement des lames, la compacité et la légèreté du boîtier peut évidemment faire la différence. Cela permet au professionnel de pouvoir tenir aisément d’une seule main sa mesure en huit ou dix mètres de long et 32 cm de large. Pour finir, de nombreux boîtiers sont aujourd’hui équipés d’une agrafe permettant d’accrocher la mesure à la ceinture et de l’avoir en permanence à portée de main.
Stimuler les ventes
Aussi indispensable soit la mesure courte, elle n’est toutefois pas considérée comme un achat de destination. Autrement dit, le professionnel se rend rarement sur le point de vente pour acheter cet équipement, sauf pour des applications particulières. L’objectif est donc de stimuler les ventes par des mises en avant à travers des présentoirs de comptoir, des tubes sur pied remplis de mesures en vrac placés dans le flux client, ou encore des packagings permettant la prise en main du produit. Le professionnel peut alors manipuler la mesure, la dérouler, en vérifier le bon retour, la rigidité, etc. Elles sont mêmes parfois directement accrochées en linéaire via le crochet de ceinture. Certaines marques développent également du cross-merchandising pour favoriser la double implantation en point de vente, d’une part du côté des outils de mesure, et d’autre part, aux côtés des rails de plaques de plâtre par exemple pour les produits dotés d’un crochet aimanté.
De même, comme tout consommable, la mesure courte obéit à une dynamique promotionnelle intense, au point que pour certaines marques, les promotions représentent la moitié des volumes. Si la mesure courte, achat renouvelé régulièrement, ne s’inscrit pas dans une logique d’achat d’impulsion proprement dite, elle se vend d’autant mieux qu’elle sait se rappeler au bon souvenir du professionnel qui vient acheter un autre équipement et sait bien qu’un jour ou l’autre, il aura de nouveau besoin d’une mesure.