La coupe du métal
La spécialisation grignote le marché
Les outils conçus spécifiquement pour découper le métal à l’extérieur de l’atelier sont de plus en plus demandés par les utilisateurs finaux, en quête d’alternatives à la meuleuse. Souci de sécurité, recherche de travail qualitatif, de productivité et de gain de temps, d’une meilleure adaptation aux nouveaux systèmes de construction métalliques, les exigences rencontrent les atouts de ces différentes machines à plus haute valeur ajoutée. Le développement des outils sur batterie contribue aussi à leur pénétration dans l’univers du chantier.
Tuyaux, tiges, plaques, profilés, panneaux sandwich, le métal est bien présent sur un chantier et sous de multiples aspects, avec bien souvent la nécessité d’adapter sa forme ou ses dimensions à l’application. C’est là que l’outil – grignoteuses, cisailles, scies circulaires, scies à ruban et autres chanfreineuses – entre en oeuvre, se déclinant en différents types selon le travail exigé. Mais qu’on ne s’y trompe pas, la meuleuse est reine sur le chantier, le « couteau suisse » pour reprendre le terme employé par tous les acteurs du marché. « Même si elle est essentiellement centrée sur la découpe du métal, la meuleuse sert un peu à tout sur le chantier. C’est une machine avec laquelle les professionnels ont des habitudes de travail. Donc, sur certains chantiers, ils ne coupent le métal qu’avec une meuleuse sans recours à aucune autre machine » confirme Christophe Barat, responsable national grands comptes de Metabo/Hikoki.
Des solutions alternatives à la meuleuse
Or, à l’heure des exigences vis-à-vis de la sécurité sur le chantier, de la recherche de gain de temps et de productivité, la domination de la meuleuse est de plus en plus remise en question, notamment par les grands comptes, au profit de machines spécifiquement conçues pour découper le métal et ne se contentant pas de s’adapter aux caractéristiques de ce matériau grâce à leurs consommables. « Aujourd’hui, les entreprises demandent quelles sont les solutions alternatives à la meuleuse, car leur première priorité, c’est la sécurité » poursuit Christophe Barat. Faisant partie des outils les plus accidentogènes sur un chantier, la meuleuse n’est, il est vrai, pas toujours utilisée à propos, sa meule ne résistant pas toujours aux contraintes imprévues qui lui sont parfois imposées. Quant à son carter de protection, bien qu’il soit obligatoire, il est souvent retiré par l’opérateur qui le juge peu pratique, même si sa sécurité est en jeu.
Au-delà de la sécurité de l’opérateur, la projection d’étincelles est bannie dans de nombreuses industries. « Dans les secteurs d’activité comme la pétrochimie, il est strictement interdit de recourir à des machines provoquant des étincelles. Et dans les centrales nucléaires, que ce soit pour le démantèlement en Allemagne, ou la maintenance en France, on ne peut utiliser de meuleuses » rappelle Stefan Marmann, de Jepson. Et force est de constater que cisailles, grignoteuses, scies à ruban ou scies circulaires ne provoquent pas ou très peu d’étincelles, sans être bien entendu des outils Atex.
Mieux travailler
La productivité est un autre argument auquel les entreprises sont de plus en plus sensibles. « Ce sont des petits marchés en volume, mais des marchés qualitatifs parce que ces outils permettent effectivement aux utilisateurs d’améliorer leur productivité et leur qualité de travail d’un part, et d’améliorer aussi leur sécurité d’autre part » résume Laurent Schwarz, directeur général France de Fein. Fidèle à sa devise, « bien outillé pour mieux travailler », le spécialiste de l’usinage du métal, Trumpf, estime lui aussi que le fait de proposer des outils adaptés à des applications spécifiques est synonyme d’efficacité dans le travail. « En atelier surtout, mais aussi sur le chantier, nous avons beaucoup de demandes pour améliorer la productivité, la qualité de travail et le confort de travail. Donc, nous sommes souvent sollicités par exemple pour la création de chanfreins de qualité ou pour des outils permettant de découper plus vite et proprement. Il y a une véritable attente de la part des utilisateurs de pouvoir travailler plus vite, mieux et en sécurité » observe Dimitri Fusciello, directeur des ventes Electroportatif France de Trumpf. « Quand vous découpez du métal toute la journée, ou plusieurs fois dans la semaine, vous gagnez réellement du temps. »
Il en va aussi de la propreté du chantier et surtout du support travaillé et de son environnement, au risque sinon de le dégrader par des projections de poussières de métal ou d’étincelles. « Au niveau de la rouille, c’est avantageux de travailler avec une scie circulaire. Sur un travail de façade, par exemple, la meuleuse risque de provoquer des dépôts de matière sur le bardage… » souligne Stefan Marmann. « Quand les bâtiments sont exposés à la pluie et que vous échauffez la matière, il peut y avoir des risques d’oxydation du métal avec la meuleuse. Avec une grignoteuse, vous n’écaillez par la peinture et vous avez moins de risques d’oxydation » confirme Christophe Barat. Sans compter que les projections d’étincelles peuvent venir également piquer les carreaux céramiques, situés à proximité de l’usinage d’un garde-corps, de caillebotis et autre main courante. C’est aussi en termes de qualité de travail que ces outils font la différence. Relevant de la coupe à froid, ces machines ne chauffent pas l’acier et le métal ne rentrant pas en fusion, il n’est donc pas dénaturé ou déformé. La coupe est précise et soignée.
Spécialistes et généralistes
Les outils spécifiquement dédiés au métal ne sont certes pas nouveaux, mais ils ont gagné ces dernières années en ergonomie grâce à des revêtements soft grip, en compacité, parfois en capacité, et bien entendu en mobilité et en confort de travail, avec le déploiement du sans-fil. « Ces outils sont connus et en même temps méconnus. Ils sont connus parce que ça fait quand même de longues années qu’ils existent, mais ils sont méconnus dans les gains qu’ils peuvent apporter, dans leur qualité de travail et dans leur facilité d’utilisation » remarque Laurent Schwarz.
Si, comme déjà mentionné, les habitudes de travail ont la vie longue et profitent à la meuleuse, les consommables de cette machine restent aussi meilleur marché que ceux d’une scie circulaire, par exemple. « Les coupes sont plus propres, mais la lame d’une scie circulaire est un peu plus chère et un peu plus fragile. Donc, c’est vrai que sur le chantier, les utilisateurs ont encore un peu de difficultés à prendre ce type de machine » reconnaît Xavier Chiaroni, P-dg du groupe X-Ion (Kéni).
Pour tous, ce marché, qui s’inscrit dans l’air du temps, est plein de promesses. Les marques de l’électroportatif y sont positionnées, notamment celles dont l’identité métal est forte comme Metabo ou Fein, qui a en ce début d’année étoffé sa gamme de découpe du métal avec notamment des scies circulaires et scies à ruban sur batterie. La marque compte poursuivre sur cette stratégie en annonçant en septembre une scie sauteuse elle aussi dédiée à la découpe du métal.
Cet univers comprend également des spécialistes de l’usinage du métal, à l’instar des Allemands Jepson, l’inventeur de la « drycutter » en 1984, première scie circulaire pour le sciage des métaux à usage professionnel, ne nécessitant pas de fluide de refroidissement, et de Trumpf, né de la cisaille. Ces experts dans leur catégorie se distinguent souvent par des machines aux capacités plus importantes et par des outils très spécifiques. A l’exemple de Kéni, des spécialistes de l’outil coupant proposent aussi des machines dédiées. « Les distributeurs cherchent à optimiser leurs achats et leurs commandes. Ils ont parfois tendance à prendre le consommable chez le fabricant de la machine. Donc, c’est important de disposer du mix produit, la machine et l’outil. » Plus qu’un complément de gamme, la marque essaie de se différencier également avec des machines inédites, comme une scie circulaire avec le moteur positionné de façon longitudinale et non latérale, qui offre un encombrement moindre.
La grignoteuse, tout dans la tête
Plébiscité, le procédé de découpe à froid se décline donc en différentes machines, à commencer par la grignoteuse qui domine la découpe de tôles plates ou ondulées que l’on retrouve, notamment dans les bardages. Ses capacités sont également appréciées dans les applications de démantèlement de cuves et de retraitement des métaux. Bien identifiée pour découper du métal, de l’acier, de l’inox, elle est dotée d’une tête de coupe munie d’un poinçon et d’une matrice conçus dans un acier hautement résistant, deux pièces qui interviennent en consommable. Sa tête de coupe agit selon le principe du refendage, par une succession rapide de coups de poinçon oscillant à une vitesse de 2 000 à 3 000 coups par minute environ, dont la force est complètement absorbée par les supports de la matrice. Ainsi, les mouvements de descente et de montée du poinçon grignotent une trajectoire de coupe dans la tôle. « Contrairement aux procédés thermiques ou aux autres procédés mécaniques, la grignoteuse n’émet aucune émission sous forme de poussière, de gaz ou bien de fumée. La matière découpée tombe sous forme de copeaux » explique Dimitri Fusciello.
Compacte, maniable, ergonomique, la grignoteuse offre une vue dégagée de la surface de travail grâce justement à la chute des copeaux. Le changement de l’axe de travail sans outil et sans difficulté est possible, ce qui permet la réalisation de coupes droites, d’angles droits ou de courbes, quand la machine est équipée de la tête adaptée, orientable par exemple à 360° par 4 pas de 90°. Selon les marques, des extensions sont même disponibles pour permettre à la grignoteuse d’aller chercher des profondeurs importantes, comme celles des bacs acier. Certaines machines sont également équipées de jauge pour contrôler l’épaisseur de la tôle et d’un variateur de vitesses. Côté sécurité, les outils sont équipés de...