Les clés à chocs pneumatiques et sur batterie
La mobilité anime les ventes
Utilisée principalement pour le desserrage des boulons et écrous, la clé à chocs est aujourd’hui largement répandue dans le milieu automobile, la maintenance et la production industrielles ainsi que dans le secteur agricole et son marché est mature. Néanmoins, cet univers reste dynamique, du fait notamment de l’essor des machines autonomes et mobiles, dont en premier lieu les modèles électriques sur batterie.
Estimé mature avec environ 100 000 pièces vendues annuellement dans l’univers professionnel, le marché de la clé à chocs vit toutefois aujourd’hui une forte évolution. En effet, la clé à chocs pneumatique, longtemps incontournable dès qu’il s’agissait d’assembler et désassembler des éléments de boulonnerie exigeant un couple élevé, doit désormais composer avec les modèles sur batterie, en forte croissance même s’ils ne représentent encore que 10% des ventes globales.
Par ailleurs, malgré des volumes stagnants, voire en légère régression pour la clé à chocs pneumatique, cet univers compte un nombre grandissant d’acteurs : les fabricants spécialistes de l’outillage pneumatique – comme Ingersoll Rand, inventeur de la clé à chocs pneumatique en 1934 – qui commercialisent leur offre sous leur propre marque, les fabricants d’outillage électroportatifs et à main qui ont complété leurs gammes de clés à chocs et dont certains maitrisent la technologie sur batterie, à l’instar de Facom à travers Dewalt, autre marque du groupe Stanley Black & Decker, et des distributeurs-importateurs, parfois spécialistes de l’univers pneumatique comme Cedrey qui commercialise notamment les outils du fabricant japonais Universal Air Tools. La plupart des distributeurs-importateurs d’outillage ont également intégré dans leurs gammes des clés à chocs, faisant leur marché chez les fabricants de notoriété, ou directement dans les usines taïwanaises et chinoises, fort nombreuses. Quant à la technologie du moteur électrique, bien différente de celle du moteur pneumatique, elle repose essentiellement, et logiquement, sur des approvisionnements extérieurs à l’univers du pneumatique. Pour finir, depuis juin, le marché doit faire face à une nouvelle donne avec l’arrivée en force du groupe Sam Outillage. Fort des rachats fin 2011 des sociétés française PTS et néerlandaise Rodac, spécialisées toutes deux dans le pneumatique, le fabricant d’outils à main a lancé en juin une gamme d’équipements pneumatiques dont plusieurs clés à chocs s’appuyant sur un concept de compresseur embarqué, appelé PEA, qui se présente comme une nouvelle alternative sur le marché.
Qualité de l’air
Utilisée dans les secteurs de la réparation automobile, de la maintenance et de la production industrielles ainsi que dans l’univers agricole, la clé à chocs se décline en deux grandes catégories avec d’un côté les clés à chocs pneumatiques, reliées à un réseau d’air comprimé ou à des bouteilles d’air comprimé, et de l’autre les clés à chocs sur batterie.
L’air comprimé alimentant un outil pneumatique est obtenu grâce à un compresseur. Les plus courants dans les ateliers sont les compresseurs à pistons mono-étagés (6 à 10 bar) ou bi-étagés (12 à 15 bar). Il existe également des compresseurs à vis, pour un usage intensif, en continu. Dans tous les cas, la compression de l’air provoque un échauffement et la condensation produite lors du refroidissement forme de l’eau qu’il faut impérativement chasser ; le mélange eau et poussières, associé à l’huile du compresseur, contribue immanquablement à encrasser les moteurs et à créer de la sur-pression. De même, pour prolonger la durée de vie de l’outil pneumatique, celui-ci doit être lubrifié régulièrement pour éviter l’usure prématurée de ses pièces (palettes du rotor, système de frappe...). La pression, souvent réglée par un manomètre au niveau du compresseur varie en fonction du type de machine pneumatique utilisée et se situe autour de 6,5 bar pour une clé à chocs pneumatique standard.
Le système PEA, commercialisé sous la marque PTS, prend lui la forme d’une bouteille de deux ou neuf litres, chargée d’air comprimé à 300 bar, qui permet d’expulser l’air à 6,5 bar de pression grâce à un système de détendeur et de robinet. D’un poids d’environ 12 kg, la bouteille est facilement transportable et libère l’utilisateur de la contrainte des câbles de liaison à un compresseur fixe. Ce système joue également la carte d’une basse consommation de façon à garantir la puissance d’utilisation et l’autonomie de la machine. Il promet ainsi 500 desserrages d’écrous à 300 Nm, soit le desserrage de plus de trente roues de camion (serrées à 600 Nm) avec la bouteille de neuf litres.
Le mobile bouge
Le choix en faveur d’un système de clé à chocs mobile (compresseur embarqué ou sur batterie), dépend de la globalité de l’équipement de l’atelier (le compresseur étant utilisé pour d’autres équipements) et évidemment de l’application. Ces systèmes sont appréciés notamment par la maintenance itinérante et dès qu’il s’agit d’utilisations à l’extérieur. Il est incontestablement plus aisé d’utiliser une clé à chocs portative dès lors que l’on intervient sur des pylônes, des remontées mécaniques ou sur des charpentes métalliques en hauteur.
En plein essor, les outils sur batterie profitent notamment de l’évolution technologique des batteries, qui ont gagné en autonomie et permettent au moteur de générer plus de puissance. Les modèles les plus performants offrent aujourd’hui des couples équivalents à ceux de modèles pneumatiques de même dimension. Si un flexible demeure entre la bouteille et l’outil, les compresseurs embarqués, universels, préservent, de leur côté, les atouts des clés à chocs pneumatiques (puissance, diversité des plages de couple, utilisation même par temps froid...) et sont plus économiques. Le prix d’une clé à chocs sur batterie est de 30 à 50% supérieur à celui d’une clé à chocs pneumatique de même nature.
La taille du carré
Quelle qu’elle soit, une clé à chocs se caractérise tout d’abord par la dimension de son carré d’entrainement qui détermine la plage de couple délivrée. En ce qui concerne les modèles pneumatiques, la taille du carré d’entrainement varie d’un quart de pouce à plus de trois pouces. Mais le cœur du marché, notamment pour la maintenance, se concentre sur le 1/2’’ et le 1’’, voire le 3/4’’. Les modèles sur batterie s’arrêtent eux à la taille de 3/4’’, pour des raisons de puissance de batterie mais aussi de poids de la machine. L’outil doit rester maniable.
A chaque carré correspond donc une plage de puissance, ce qui explique qu’un utilisateur, qui n’applique pas toujours les mêmes couples partout, doive posséder plusieurs clés à chocs. Le 1/2’’ propose ainsi des couples allant de 500 à 1100 Nm tandis que le 1’’ va de 2 000 à 3 000 Nm. Les autres dimensions correspondent davantage à des tailles intermédiaires et ont statut de niches de marché. Elles se retrouvent surtout chez les spécialistes du pneumatique : 1/4’’, 3/8’’, 1 1/2’’, 2 1/2’’, 3’’... Les plus grandes dimensions peuvent délivrer plus de 100 000 Nm et sont réservées à des interventions dans l’industrie du pétrole, les chantiers navals, la construction de viaducs, etc. Elles nécessitent d’ailleurs le recours à un palan.
Intensif ou occasionnel
Le choix d’un modèle de clé à chocs est donc guidé par la taille du boulon à serrer ou desserrer mais aussi par le type d’utilisation envisagée (intensive ou pas) selon que l’utilisation est faite pour de la maintenance ou de la production.
En maintenance par exemple, la puissance immédiatement délivrée est importante puisque l’usager va effectuer des desserrages de façon non répétitive. En production, où la clés à chocs est utilisée de longues heures avec des couples répétitifs, l’intérêt porte sur des machines endurantes, à mécanismes durables et réparables. En revanche, un couple élevé est moins important puisque l’outil a le temps de monter en puissance. Par ailleurs, dans un garage, le type de serrage ou desserrage est toujours le même tandis qu’en maintenance, l’utilisateur peut être confronté à différents cas de figure. C’est souvent le mécanisme de frappe qui fait alors la différence.
Mécanismes de frappe
Plusieurs types de mécanismes de frappe existent sur le marché, à simple action avec un marteau unique pivotant sur un axe, et à double action avec des marteaux jumelés ou des marteaux positionnés sur deux axes.
Le système de chocs à marteaux jumelés, apparu dans les années 1970, permet d’atteindre des couples plus élevés et abaisse le niveau de vibrations de la machine car il comporte un nombre réduit de pièces en mouvement. Ce mécanisme qui permet de délivrer des chocs uniformes et équilibrés convient à un usage intensif au desserrage et à des applications à serrage dur ou élastique. Il présente un excellent rapport poids/puissance et se présente comme le système de frappe le plus polyvalent. Le système à deux axes développe une puissance finale plus importante et génère moins de vibrations que les marteaux jumelés. En revanche, le procédé se révèle plus fragile.
Par ailleurs, ces mécanismes de frappe simple ou double action pour machines pneumatiques ne sont pas compatibles avec un moteur électrique, qui ne permet pas une action avec retour arrière. Les modèles sur batterie disposent d’un mécanisme de frappe spécifique appelé Potts.
Ergonomie
Les efforts d’innovations des fabricants portent notamment sur la recherche du meilleur équilibre possible entre le moteur et le mécanisme de frappe, de façon à ce que le moteur soit le plus productif possible avec le moins d’air possible dès le démarrage.
Si la recherche de rendement des outils est manifeste, les autres principaux axes d’évolution concernent le confort d’usage de la machine pneumatique, sous l’influence notamment des réglementations européennes concernant le taux de vibrations et le poids de la machine. Le taux de vibrations va déterminer le temps d’utilisation et le poids, la nécessité d’une utilisation à une ou deux mains. D’ailleurs, une clé à chocs doit être accompagnée d’une étiquette rappelant à l’opérateur les conditions d’utilisation (port de lunettes, utilisation de douilles à chocs) et que l’exposition aux vibrations est nocif.
Or, la tendance en faveur de couples plus importants n’est pas toujours compatible avec légèreté et vibrations réduites. C’est en effet la masse de l’appareil qui permet d’absorber les vibrations. Il s’agit donc de trouver le meilleur compromis concernant l’allègement de la machine sans favoriser l’augmentation de vibrations. Dans les faits, depuis une dizaine d’années, l’utilisation de matériaux composites ou de métaux alliant faible densité et haute résistance (titanium, kevlar...), en remplacement du traditionnel métal, contribue à alléger les machines de 30 à 50% et favorisent dans le même temps l’isolation contre le froid généré par le passage de l’air comprimé.
A noter ici que les clés à chocs destinées à la production de certains fabricants japonais, comme Vessel qui se déploie depuis 2011 sous ses propres couleurs sur le marché français, possèdent un système de lubrification à circulation d’huile (et non pas de graisse comme c’est habituellement le cas), ce qui génère certes moins de puissance mais une forte réduction des vibrations et donc du niveau sonore et occasionne moins de maintenance. La réduction sonore (liée essentiellement au système de frappe) est un autre point crucial, passant là encore par le développement de nouveaux matériaux au niveau de l’échappement, pour absorber un maximum de bruits tout en conservant de la puissance.
L’ergonomie veille également à prendre en compte le bon équilibre de la machine pour favoriser le confort d’utilisation. Les gammes se sont enrichies de machines compactes, ultra-courtes, utilisables avec des douilles de même gabarit. Il existe également des clés à chocs avec frappe sur le renvoi d’angle qui peuvent être utilisées dans des endroits peu accessibles, par exemple pour changer les lames des machines de coupe agricoles. Quant aux différentes formes de clés à chocs (à broche courte ou à broche longue, à poignée revolver, à poignée à gâchette intérieure ou extérieure, clés à chocs droites avec levier), elles permettent aux utilisateurs de recourir à la machine la mieux adaptée aux exigences de leur profession.
Puissance réelle efficace
La notion de puissance est sujette à une véritable surenchère. Traditionnellement, une clé bien dimensionnée devait être capable de desserrer un écrou en moins de cinq secondes et la puissance mentionnée par les acteurs du marché correspondait traditionnellement à cette observation. Aujourd’hui, les marques adoptent des mesures plus valorisantes pour leurs produits : puissance à dix secondes, puissance à la rupture, puissance garantie, puissance recommandée, etc. Plus globalement, la tendance générale vise à indiquer le couple maximal développé par une machine, ce qui est évidemment plus séduisant que la puissance donnée à cinq secondes. La plupart des intervenants s’accordent à reconnaître le côté excessif de cette démarche qui ne correspond pas à la réalité de l’utilisation. Certains précisent toutefois que cette notion résonne également comme un synonyme d’efficacité dans l’esprit des utilisateurs, l’assurance d’une productivité optimale. L’annonce d’une puissance maximale de 1 700 Nm sur 1/2’’ est traduite comme la promesse d’une productivité optimale même si ce couple, en condition réelle d’utilisation, correspond davantage à une machine dotée d’un carré de 1’’.
D’ailleurs, sur ce marché mature et hautement concurrentiel, beaucoup pressentent une montée en puissance des arguments marketing qui permettent aux uns et aux autres de faire valoir leur différence et l’imminence d’une guerre des prix. L’évolution de la clé à chocs est d’autant plus regardée que ce produit, qui figure dans le peloton de tête des outils pneumatiques, pourrait bien donner le coup d’envoi à une bagarre tarifaire plus globale sur l’ensemble du marché des outils pneumatiques.