RBD Jaguar
La valorisation d’un savoir-faire industriel
Spécialiste de l’outil carbure, l’entreprise savoyarde RBD-Jaguar affirme son positionnement de fabricant français en devenant le premier spécialiste du sciage à recevoir le label « Origine France Garantie ». Ce savoir-faire industriel est une source de différenciation chez les distributeurs auxquels la PME est en mesure d’apporter des outils et des réponses techniques pour mieux accompagner leurs propres clients.
En juillet 2013, la société RBD est devenue le premier spécialiste français du sciage à recevoir le label « Origine France Garantie » pour ses lames de scies circulaires à plaquettes carbure fabriquées sur ses sites de Sainte-Hélène-du-Lac, en Savoie, et de Noisy-le-Sec, en région parisienne (certification Veritas n°6037293).
Spécialisée dans la fabrication et le négoce d’outils coupants pour les industries du bois, du métal et de la pierre, l’entreprise affirme ainsi sa volonté de donner une plus grande visibilité à son savoir-faire de fabricant, sur le marché national comme à l’export, dans un contexte de repli de l’activité industrielle française. Pour obtenir le label « Origine France Garantie », la société savoyarde a dû effectivement satisfaire aux conditions d’un cahier des charges strict et répondre notamment à deux exigences : plus de 50% du prix de revient unitaire du produit est acquis en France et le produit prend ses caractéristiques essentielles en France. « Pour nos clients, ce label, c’est la certitude d’acquérir un outil de qualité répondant à toutes les normes de sécurité en vigueur et élaboré à partir de matières premières contrôlées. Il est fabriqué dans des conditions environnementales qui respectent les critères européens. C’est aussi l’assurance de l’absence de toute exploitation humaine et d’une valorisation de l’emploi local » souligne Philippe Calandroni, P-dg de RBD.
Aujourd’hui, sa culture industrielle est considérée plus que jamais comme un atout par l’entreprise pour faire valoir sa différence et ses compétences techniques sur un marché dominé par la standardisation et les importations parfois lointaines.
Saga familiale
L’aventure industrielle de RBD a démarré en 1922, lorsque Jean-François Chaland, un Savoyard qui s’est installé en région parisienne, crée à Bagnolet (93) une entreprise spécialisée sur l’outil circulaire pour scier le bois, le métal et la pierre. L’entreprise ne s’est donc jamais départie d’une vocation, le sciage circulaire tout matériau, même si les générations se succédant, elle s’est retrouvée morcelée en de multiples entités, parfois concurrentes entre elles.
En effet, si une entreprise peut revendiquer son statut familial, dans toutes ses facettes, c’est bien celle-là. Au fil des ans, l’évolution du groupe Chaland-RBD se perd en effet dans les méandres d’une vraie saga familiale, avec ses histoires d’hommes et de femmes, empreintes d’opportunités, d’initiatives, d’ambitions, mais aussi inévitablement de rivalités, le tout sur fond de paysage industriel français en pleine mutation.
A la fin des années 50, l’entreprise Chaland est en effet connue dans le monde entier pour son savoir-faire de fabricant de disque support pour l’industrie du diamant, alors très florissante en France même si, depuis, ce secteur a été balayé par les importations asiatiques. Fabriquant des disques de petites dimensions (50 mm) jusqu’aux très grands diamètres (3 500 mm !), Chaland exporte alors 85% de sa production dans le monde entier.
Dans les années 70, l’activité de Chaland se scinde en deux, les fils du fondateur choisissant de se focaliser chacun dans un domaine particulier. Maurice installe à Montmélian, en Savoie, la société MSO (manufacture savoisienne d’outillage) qui deviendra plus tard Altea, pour y fabriquer les disques de petites dimensions. En région parisienne, à Noisy-le-Sec (transfert du site de Bagnolet), Jean-Pierre s’oriente sur les disques de grande dimension dédiés principalement à l’industrie de la pierre. Ce qui ne l’empêchera pas de s’intéresser lui aussi aux disques de petites dimensions, suite au rachat de la société soissonnaise Arc, fabricant de fraises, fers de raboteuse et porte-outils...
Une stratégie de marques
Nouvelle étape en 1972 : Jean-Pierre Chaland crée la société RBD, trois lettres symbolisant l’initiale du prénom de ses enfants, afin notamment de développer la fabrication de ses lames de scies circulaires à plaquettes carbure, marché en pleine émergence. Son fils Bernard installe cette nouvelle unité en Savoie, non loin de celle de son oncle, Maurice. L’activité de RBD est alors essentiellement tournée vers la fabrication d’outils pour le compte d’autres fabricants ainsi que pour la maison mère Chaland. Néanmoins, sa direction prend peu à peu conscience de la nécessité de valoriser son savoir-faire en lançant sa propre marque : Onci (Outillage National de Coupe Industrielle). Si en région parisienne demeure l’activité de disques pour la découpe de la pierre, Onci prend donc en charge la commercialisation des outils destinés au sciage du bois, fabriqués en Savoie, et complète ses gammes d’outils de négoce pour compléter son offre. Colette Calandroni, cousine de Bernard et mère de Philippe, l’actuel dirigeant, prend alors la tête de cette activité.
Parallèlement, à Montmélian, MSO, par sa filiale CGPI (compagnie générale de produits industriels), aborde elle aussi la distribution et crée la marque Jaguar pour commercialiser ses fers de raboteuse et ses lames de scies circulaires acier. Cette structure intègre également l’activité de scies égoïnes et de lames de scie à ruban, issues du savoir-faire de Sistre, entreprise qu’elle vient d’acquérir.
Retour à l’unité
Philippe Calandroni rejoint l’entreprise en 1992 pour faire une analyse stratégique du groupe Chaland et de ses différentes structures. A cette époque, le groupe s’appuie sur quatre unités de fabrication (deux en Savoie ainsi qu’une à Soissons et une à Noisy-le-Sec) et emploie 250 personnes. « J’avais le sentiment qu’il fallait recréer une homogénéité au sein de l’entreprise » explique-t-il.
Ce souhait ne se concrétisera que vingt ans plus tard. Entre temps, le jeune dirigeant devenu coactionnaire aux côtés de sa mère et de Laurent Casset, aujourd’hui en charge de l’export, rachète à ses cousins l’entreprise RBD (2000) puis le fonds de commerce Jaguar (2001). Mais ce n’est qu’en 2012 que RBD reprend les activités de sciage du métal et de la pierre restées dans le giron de Chaland.
Quatre-vingt dix ans après sa création, l’histoire de Chaland est reconstituée et le groupe retrouve enfin son intégrité. Le groupe RBD peut donc légitimement se prévaloir d’être l’un des trois seuls industriels européens à produire des lames de scie circulaires pour le bois, le métal et la pierre et ce, depuis bientôt un siècle. Il est aussi le seul à fabriquer des lames allant du diamètre 50 mm en épaisseur 0,3 mm jusqu’à des dimensions de 4 500 mm en épaisseur 16 mm !
Spécialiste du sciage
Aujourd’hui, le groupe réalise un chiffre d’affaires global de 7,8 millions d’euros, dont 6 millions d’euros pour l’activité RBD, et a réuni depuis 2007 l’ensemble de ses activités sur Alpespace, à Sainte-Hélène-du-Lac, entre Chambéry et Albertville, où sont employées 42 personnes. Il a également conservé le site de Noisy-le-Sec (15 personnes), orienté sur la fabrication de disques support de diamètre supérieur à un mètre pour l’industrie de la pierre, activité qui représente un chiffre d’affaires de 1,8 million d’euros. « En dehors de la Chine, RBD Chaland est l’un des trois fabricants mondiaux dans le domaine de la pierre » se félicite Philippe Calandroni.
Si le site de Sainte-Hélène-du-Lac perpétue une activité de soudage de rubans bimétal et d’assemblage de scies égoïnes (héritage de Jaguar), son savoir-faire repose avant tout sur la fabrication de lames de scie circulaires à plaquettes carbure, ainsi qu’en témoigne le label Origine France Garantie. Ces dernières années, ce site a bénéficié de nombreux investissements, intégrant des postes automatisés en mesure de faire face aussi bien à de petites que de grandes séries. Depuis 2009, son organisation industrielle a également été entièrement revue, instaurant des contrôles qualité dès la réception des matières premières jusqu’au produit fini, avec une responsabilisation des différents opérateurs à chaque étape de fabrication pour gagner en efficience. « La mise en place du bureau de contrôle était indispensable pour permettre à l’entreprise de se positionner sur l’outil technique » souligne Claude Riond, responsable de la R&D. Par ailleurs, un stock intermédiaire de produits semi-finis avant affûtage a été mis en place, permettant à l’entreprise d’avoir un coût immobilisé réduit sans entraver sa capacité de réaction. C’est le magasin qui déclenche la finalisation du process.
Le site intègre également un atelier de maintenance pour les outils de production, de façon à prévenir tout arrêt, et a mis sur pied un service de réparation de lames, toutes marques confondues. Non seulement ce service répond à un besoin bien actuel des industriels plus prompts à faire durer leurs équipements qu’à les renouveler mais il donne aussi les moyens à l’entreprise de suivre l’évolution du marché et d'effectuer une veille sur la concurrence.
Misant sur l’innovation, RBD s’appuie évidemment sur un bureau d’études et un laboratoire de R&D, dédiés notamment à la conception des outils, la réalisation des plans, l’étude de produits spécifiques et la réalisation de prototypes.
Spécialiste de l’outil carbure, RBD réalise effectivement 40% de son activité en direct avec le secteur de la première (scieries) et seconde transformation du bois (ameublement, parquets...). « Les partenariats avec les industriels, une clientèle qui a des exigences fortes et en évolution permanente, nous permettent de développer techniquement nos produits pour l’ensemble de nos cibles de clientèle » poursuit Philippe Calandroni. D’ailleurs, RBD a été sollicité par le leader mondial de la machine de sciage (Allemagne) pour développer en co-partenariat une lame technique destinée à réaliser du délignage à très haute vitesse de coupe (>120 m par seconde). Claude Riond ne nous dévoilera bien entendu pas les secrets de fabrication de cet outil qui concentre les meilleurs savoir-faire de l’industriel savoyard et utilise notamment des technologies issues de l’aviation. Par ailleurs, le service de R&D travaille à la mise au point d’un disque silencieux, résultant d’un assemblage par collage, pour répondre aux demandes des industriels concernant la réduction des niveaux sonores en atelier de sciage.
5 000 références
L’offre commercialisée en direct est placée sous les auspices de la marque Onci, que l’on retrouve également à l’export sachant que RBD réalise 50% de son chiffre d’affaires global hors de l’hexagone dans une cinquantaine de pays (25% sur le marché du bois et du métal et 75% pour la pierre). A noter que l’industriel commercialise aussi ses produits en neutre pour le compte d’autres confrères.
En revanche, c’est la marque Jaguar qui porte les couleurs de l’entreprise dans la distribution, spécialistes de l’affûtage et de la fourniture industrielle. Cette activité représente 60% du chiffre d’affaires de RBD. Proposant environ 5 000 références d’outils pour la coupe du bois et du métal, l’offre Jaguar s’appuie évidemment sur les disques fabriqués en Savoie (50% de son offre). Mais la marque a largement étendu son domaine de compétences au travail des métaux, des métaux non ferreux, des plastiques en collaborant avec les partenaires les plus performants dans leur métier. « Nous sommes des spécialistes mais la distribution recherche des généralistes. Nous avons donc dès 2001 étoffé notre offre avec les produits de partenaires européens » explique Louis Christin, directeur commercial de Jaguar. « Les produits d’accompagnement de la gamme sont toujours rigoureusement sélectionnés. Nous gardons notre âme d’industriel, nous aimons savoir ce que l’on vend ». Aucun produit d’importation asiatique ne figure donc dans la gamme de Jaguar, si ce n’est ceux du Japonais Kanefusa (fabricant de lames de scie circulaires pour les métaux dotées de la technologie cermet, un matériau composite associant métal et céramique). Tous les autres partenaires sont européens : italiens, espagnols ou allemands, comme par exemple MPS. « Ce sont des partenaires depuis de longues années et souvent à la fois des fournisseurs et des clients. Nous avons ensemble un rapport d’industriel à industriel et avons basé nos échanges sur un rapport de confiance. C’est dans cet état d’esprit que nous avons complété nos gammes ».
Le catalogue de Jaguar dispose ainsi d’une gamme complète : lames de scie circulaires, outils circulaires pour la coupe des métaux, lames de scie à ruban, rabotage/fers et plaquettes, mortaisage, défonçage et perçage, outils pour toupies/fraises et porte-outils, lames de scie sabre et sauteuse, scies cloche-trépan et outillage à main. « De spécialiste de l’outillage circulaire, nous sommes devenus un spécialiste du sciage. Nous pouvons ainsi apporter des solutions aux distributeurs en termes de marques. Nous ne serons peut-être jamais là pour les gros volumes car nous ne sommes pas les mieux placés en terme de prix. Mais notre gamme permet aussi à un distributeur de se différencier, de sortir de la guerre des prix ».
Un accompagnement technique
La force de vente (4 personnes) visite aussi bien les revendeurs que les industriels, ce qui témoigne de son aptitude à développer un véritable discours technico-commercial, vis-à-vis des clients quels qu’ils soient, et à apporter une véritable expertise technique de leurs besoins. D’ailleurs, 70% de l’activité de Jaguar est basée sur l’offre en catalogue, le reste reposant sur des réponses spécifiques.
La marque, en progression cette année de 6 à 7% dans la fourniture industrielle, doit ainsi ce dynamisme à son image technique de plus en plus appréciée, notamment par des distributeurs généralistes, mais aussi à sa réactivité et à ses services. RBD qui stocke l’ensemble des produits présents au catalogue (soit deux à trois mois de chiffre d’affaires) est ainsi en mesure d’expédier un produit le jour-même (quelques jours pour une fabrication sur commande) et a mis en place des groupages de franco à la semaine. De même, pour répondre aux besoins des distributeurs, elle expédie de plus en plus fréquemment ses produits au nom de ses clients distributeurs chez leurs propres clients. « Aujourd’hui, nous sommes appréciés pour notre réactivité technico-commerciale. Ce savoir-faire prend toute sa crédibilité avec notre stature de fabricant. Nous avons une image de fournisseur capable d’apporter des réponses techniques et de proposer des produits spécifiques. Une réponse donnée par un fabricant au client du distributeur a plus de crédibilité. D’où l’importance de développer notre image de fabricant vis à vis de tous nos clients » souligne Louis Christin.