Les sous-vêtements et les chaussettes
Des indispensables et non des accessoires
« Les chaussettes ne se cachent plus » disait une ancienne publicité. Pourtant, encore de nos jours, les sous-vêtements et les chaussettes passent souvent sous les radars lorsqu’il s’agit d’équiper les personnels au travail dans le bâtiment, l’industrie, voire le tertiaire. Ces pièces d’habillement, non visibles, revêtent pourtant une importance fondamentale dans l’amélioration des conditions de travail dans tous les métiers.
Les vêtements de travail et de sécurité protègent de multiples risques allant des intempéries jusqu’aux arcs électriques en passant par les dangers de ne pas être vu dans son environnement ou d’être exposé à une chaleur trop violente. De nombreux équipements sont proposés par les marques du marché, certains étant conçus pour travailler dans le confort avec le bénéfice d’une protection légère dans des activités et endroits sans danger particulier, et d’autres pour leurs caractères sécuritaires – régis par des normes – protégeant de toute une série de dangers potentiels.
Sauf exception, ces tenues ne sont pas portées à même le corps et chaque professionnel porte par dessous une ou deux couches de vêtements, voire plus, dont obligatoirement des sous-vêtements, des pièces dont les caractéristiques techniques ont longtemps été négligées. Cette relative indifférence a progressivement cédé le pas à un intérêt relatif et depuis quatre à cinq ans à une prise de conscience qui se diffuse de plus en plus largement auprès des utilisateurs professionnels. Grâce aux avancées techniques de leurs concepteurs, le dynamisme du secteur du sport qui a démocratisé l’utilisation des vêtements techniques, une communication qui s’amplifie, le sous-vêtement a aujourd’hui gagné ses galons et peut s’afficher comme une partie des panoplies de travail.
Cela dit, l’avènement des sous-vêtements dans l’habillement des professionnels reste sur une amplitude d’applications qui est bien éloignée de celles des pièces extérieures. La principale demande concerne ainsi la protection contre le froid, ennemi à combattre cause d’un grand inconfort et de la baisse des performances au travail – nous trouverons également cette exigence pour les chaussettes, dont nous parlerons dans la deuxième partie de cet article. Les autres exigences de sécurité, face aux effets des arcs électriques par exemple, restent faibles même si elles existent de fait. Cet article portera ainsi principalement sur l’aspect de l’apport de chaleur, de thermorégulation, même si ce terme doit être manié avec délicatesse.
Le concept des trois couches
Le principe de la conservation de la chaleur par les vêtements obéit à une loi physique très simple que tout le monde peut voir à l’œuvre chez soi avec ses fenêtres à double vitrage ; la meilleure isolation est apportée par l’air (et encore mieux, le vide). Ce principe naturel, connu de façon instinctive et appliqué de façon empirique tout autour de la Terre, a été mis en musique par de nombreuses marques de vêtements parmi lesquelles nous pouvons nommer la marque Craft créée dans les années 1970 par un suédois motivé à trouver une solution pour que les pilotes d’avions de chasse n’aient plus froid lorsqu’ils étaient éjectés du cockpit. Le principe des trois couches est né avec Craft et a été adapté pour le ski nordique, le running, le vélo, la randonnée… Cette marque scandinave, rachetée par le groupe New Wave en 1996, se considère aujourd’hui comme une pionnière du système thermique en trois couches qui est aujourd’hui validé et utilisé par tous les autres confectionneurs du marché.
Ce système des trois couches s’articule, excusez les termes anglais, avec une Base layer au contact du corps qui évacue la transpiration pour le garder au sec et créer une isolation thermique, une Mid layer type sweat, pull ou polaire qui apporte la chaleur et une Protect layer qui amène la protection contre la vent et la pluie par une membrane imperrespirante, voire une chaleur renforcée avec une doublure chaude. Il est tout à fait possible de ne porter que deux couches, dont le sous-vêtement indispensable et obligatoire. On peut se contenter de la couche intermédiaire chaude dans des environnements intérieurs avec un froid statique, ou de la couche supérieure lorsque la température est clémente mais que l’on est dans un lieu venté ou pluvieux, par exemple dans le cas d’un opérateur travaillant sur une nacelle en extérieur.
Garder le corps au sec
Dans cette construction, la première couche du sous-vêtement est fondamentale et est malheureusement encore trop souvent ignorée. Pour être effective, elle doit remplir le rôle qui lui est assigné, à savoir garder le corps au chaud en évacuant la transpiration. De fait, nous sommes un animal à sang chaud et le corps humain essaye de garder sa température calée autour de 37°C par un phénomène de thermorégulation. Quand il a trop chaud, par un exercice physique, une température extérieure élevée, le stress, etc., il puise dans ses réserves internes d’eau pour se refroidir à travers le phénomène de transpiration.
Pour maintenir une zone de confort, cette transpiration doit alors être évacuée, sinon elle se condense pour former de l’eau et donner une sensation de froid. Vous avez tous vécu cette expérience en été en sortant du bain quand, soumis à un petit vent, la fraicheur peut vous faire frissonner. En hiver, la gêne est plus importante et si vous gardez de l’eau sur la peau. Le froid qui s’insinue peut facilement vous pénétrer totalement, ce qui n’est jamais agréable. L’humidité amplifie les effets négatifs ; nous avons tous vu dans un film une personne tombée dans l’eau froide être déshabillée dès le sauvetage effectué pour la ramener à une température supportable.
La référence Thermolactyl
Le sous-vêtement doit donc faciliter l’évacuation de la transpiration vers l’extérieur mais ce n’est pas sa seule obligation. Il doit également être léger et fluide pour n’apporter aucun inconfort pour le porteur. Et troisième point, il ne peut ne pas se contenter d’être un vêtement technique respirant pouvant être porté sans problème jusqu’à une température ambiante de 20°C, mais également apporter de la chaleur par une confection spécifique, toujours en restant très fin et perméable à la vapeur, bien entendu.
Pour arriver à ce résultat, les fabricants proposent plusieurs solutions et pour les Français que nous sommes, une référence nous vient ici spontanément à l’esprit avec le Thermolactyl de Damart dont la fibre générait de l’énergie statique lorsqu’on le manipulait. Autant vous le dire tout de suite, ce type de fibre est de l’histoire ancienne et n’est plus utilisé depuis longtemps dans le cadre du sous-vêtement technique. La société Damart a fait évoluer son savoir-faire et déploie aujourd’hui son Thermolactyl, en fait un label interne avec cinq niveaux de chaleur, dans des technologies d’une grande modernité. Elle cohabite sur le marché avec des spécialistes du vêtement qui ont développé leur propres lignes de sous-vêtements, avec des technologies qui se ressemblent sur leurs points essentiels mais peuvent différer dans les matières utilisées ; l’impératif de répondre au système des trois couches fait converger les solutions.
Polyester et polypropylène
Pour évacuer la chaleur et apporter plus ou moins de chaleur, les sous-vêtements font appel à des matières synthétiques avec en premier lieu le polyester, mais également le polypropylène (le Lifa de Helly Hansen), cette dernière matière étant totalement hydrophobe quand le polyester peut absorber une quantité d’eau minime. Ces deux polymères peuvent être travaillés avec à la clé des qualités très variables, avec en parallèle des différences de coûts très importantes. La fibre peut ainsi être émerisée, action de grattage difficile à bien réaliser qui va créer une petite épaisseur d’air autour de la fibre et améliorer les conditions d’isolation au contact de la peau en plus de donner une douceur au porté très agréable. A noter qu’il existe désormais des fibres issues du recyclage, par exemple les polyesters Seaqual provenant de plastiques récupérés en mer, qui permettent de réduire l’empreinte environnementale de ces vêtements riches en composés synthétiques.
37.5 toute la journée
Il est également possible d’utiliser des fibres chargées en particules qui mettent à profit les ondes infrarouges émises par le corps pour faciliter l’évacuation de la transpiration et accentuer l’effet de chaleur. Ce procédé est notamment mise en œuvre par la société Cocona qui communique sur sa technologie 37.5, laquelle doit son nom à la température du corps humain et au degré d’hygrométrie de plus grand confort qui tous deux tournent autour de ce nombre érigé en marque. Utilisé par de nombreuses marques de sport et présent dans des vêtements de travail professionnels (Coverguard, Carhartt, Snickers...), pouvant être employé dans les trois couches de vêtements évoquées plus haut, ce système se caractérise par l’intégration de particules de roches volcaniques dans des fibres synthétiques formées par extrusion. La vapeur dégagée lors de la transpiration est captée par ces fibres remplies d’alvéoles et les ondes infrarouges émises par le corps excitent ces molécules piégées qui sont rejetées vers l’extérieur. L’humidité est repoussée, concourant à une isolation efficace du corps. Et lorsqu’il n’y a pas de transpiration par temps froid, les infrarouges sont interceptés par les particules de roches ce qui permet d’éviter une chute brutale de la température ressentie – le rayonnement infrarouge est responsable d’environ 60% des pertes thermiques du corps humain. Comme le souligne Edouard Liffran, directeur général Europe de la marque Cocona : « L’utilisation de fibres chargées en particules de roches permet de conserver un microclimat vertueux au contact de la peau ».
Associations de matières
Le tricotage peut aussi différer avec des jauges plus ou moins élevées (tissu plus ou moins serré), des coutures qui peuvent être plates ou disparaître complètement, l’intégration d’empiècements aérés sous les aisselles, l’association de différentes fibres pour obtenir des performances...