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novembre 2011

Les vêtements de travail

Avoir le costume de l’emploi

Le marché du vêtement de travail cherche à quitter l’univers de la contrainte.
Les employeurs commencent en effet à prendre conscience qu’un équipement confortable, adapté à la morphologie de l’usager et à son environnement, favorise la performance. Les gammes se spécialisent ainsi en fonction des métiers, se rapprochant de plus en plus du vêtement de protection, et font appel à des matériaux techniques de façon à permettre au professionnel de travailler dans des conditions optimales.


Les vêtements de travail semblent peu à peu emboîter le pas aux chaussures de sécurité... Autrement dit, les entreprises commencent à considérer cet équipement comme un atout permettant de faire travailler un salarié dans des conditions optimales. Le vêtement de travail devient donc un vecteur pour gagner en performance.

Du chemin reste toutefois à parcourir. Si bien entendu le traditionnel bleu de travail fait de plus en plus souvent figure d’image d’Épinal, le recours du professionnel à un vêtement de travail obéit encore trop souvent uniquement à une obligation. Rappelons que tout employeur se doit de mettre à disposition de ses équipes « les équipements de protection individuelle appropriés et, lorsque le caractère particulièrement insalubre ou salissant des travaux l’exige, les vêtements de travail appropriés » (Article R. 4321-4 du code du travail). Il doit également veiller à leur utilisation effective et prendre en charge leur nettoyage. Il va de soi que des vêtements susceptibles d’être contaminés par des germes, par exemple, ne doivent en aucun cas rejoindre la lessive familiale. Par ailleurs, le non respect des conditions d’entretien (température...) indiquées par le fabricant risque de détériorer le vêtement. Que dire de bandes réfléchissantes qui perdraient toutes leurs capacités au fil des lavages ?

La fin des uniformes

Néanmoins, aussi indispensable soit-il, ce caractère obligatoire se répercute souvent aux yeux des salariés concernés comme une contrainte : celle de porter un vêtement qui le protège, certes, mais qui souvent n’est ni très confortable ni très seyant. C’est à ce niveau que les mentalités semblent peu à peu évoluer sous l’effet de plusieurs facteurs.

Tout d’abord, le vêtement de travail pénètre de plus en plus l’univers du vêtement de protection, sensibilisant les chefs d’entreprise à effectuer des études de poste et par là même à ne plus commander le même équipement uniforme pour tous. Le but est de tenir compte des métiers et environnements de travail de chacun.

Le second facteur, sans doute encore à affirmer, est lié à la prise de conscience que le vêtement de travail est un outil comme un autre. Le travailleur sera plus à l’aise à la tâche s’il n’est pas gêné aux entournures par une veste rigide et mal coupée. Par ailleurs, notamment dans les professions du bâtiment qui sont davantage au contact d’une clientèle, le style de l’habillement est de plus en plus pris en compte.

Les fabricants issus des pays du nord de l’Europe, dont le niveau d’équipement est souvent plus qualitatif que celui des pays méditerranéens, observent d’ailleurs que le vêtement de travail reflète l’évolution des relations entre les partenaires sociaux. Lorsque les rapports employeurs-salariés s’inscrivent dans l’équilibre et non dans le rapport de force, le chef d’entreprise est plus enclin à accorder de l’attention aux vêtements que portent ses salariés.

L’EPI prend le pas

En attendant, une certitude tend à s’ancrer dans l’esprit des dirigeants : la santé et la sécurité au travail deviennent un véritable enjeu d’autant que les salariés sont amenés à travailler plus longtemps. Ce phénomène se concrétise d’ailleurs par la montée en puissance du juridique dans cet univers. Dès que survient l’accident de travail, l’ensemble des éléments concernant les obligations de l’employeur sont susceptibles d’être scrutés, à commencer par le port de vêtements adaptés ou pas. D’où une volonté de plus en plus manifeste des chefs d’entreprise d’anticiper les accidents en effectuant de plus en plus des études de poste et en prenant mieux en compte les risques. Certains risques, comme ceux des personnes qui gravitent autour du soudeur, ou encore des environnements soumis à de fortes chaleurs, étaient jusqu’alors peu pris en compte.

Cette tendance vaut également pour la santé. L’apparition de casquettes protégeant la nuque du soleil ou l’obligation du port de t-shirt à manches longues anti UV en période estivale traduit cette mise en avant du principe de précaution. Du coup, le vêtement de travail évolue de plus en plus vers le vêtement de protection, ce dernier étant régi par des normes précises en fonction des métiers et secteurs d’activité. A ce propos, il n’est pas inutile de rappeler que tout vêtement de travail portant des bandes réfléchissantes n’est pas systématiquement un vêtement de protection en bonne et due forme, répondant à la norme EN 471.

Ces nouvelles exigences jouent évidemment en faveur d’une sensibilisation à l’achat de produits plus techniques et plus qualitatifs. Peu de chiffres précis circulent sur le marché du vêtement de travail, si ce n’est ceux du Synamap concernant le vêtement de protection. Selon ce syndicat, le marché des vêtements de protection représente d’ailleurs le premier secteur d’activité de l’EPI, avec un chiffre d’affaires de 220,2 millions d’euros (prix fabricants n 2009), soit un peu plus de 30% de ce marché.

Néanmoins, selon les acteurs du marché, si les produits basiques tendent à se rétracter, l’évolution du chiffre d’affaires des vêtements de travail observée n’est pas seulement due à un choix en faveur de produits plus haut de gamme. Ces derniers progressent sans doute mais la croissance en valeur du marché est surtout liée à la hausse du prix des matières premières, répercutée sur les prix de vente. Le coton et les fibres synthétiques issues du pétrole n’ont pas été épargnées par ce phénomène. En revanche, la montée en gamme du marché permet sans doute de compenser des baisses en volume. Le phénomène de délocalisation industrielle ne joue évidemment pas en faveur d’un nombre grandissant de salariés à équiper dans nos contrées... D’où l’enjeu pour les fabricants et distributeurs de chercher à augmenter le panier moyen en équipant mieux les professionnels.

L’image de soi à valoriser

Commençant à être considérés comme de vrais outils de performance, les vêtements de travail cherchent de plus en plus à prendre en compte la notion d’image, celle de l’entreprise bien sûr avec des vêtements qui peuvent être mis à ses couleurs. Cette démarche est jugée importante pour fédérer notamment des équipes dans un contexte de rachats.


La prise en compte de l’image que le salarié a de lui-même est une autre donnée tout autant importante. Cette tendance est déjà en marche, on l’a vu, dans l’artisanat et dans les sociétés en contact avec le public. Le style de l’habit entre évidemment en œuvre, avec des codes proches du street wear ou du sportswear. Non seulement, le salarié a envie de porter des vêtements de travail proches de ceux qu’il porte dans la vie réelle mais il ne veut pas avoir l’air déguisé ou se sentir mal à l’aise dedans. Plutôt qu’une cotte à bretelle ou une veste mal coupée, le travailleur préférera des sweats avec ou sans capuche, des polaires, des pantalons à poches, etc. qui lui laissent une plus grande liberté de mouvement. Reconnaissant que nous ne sommes pas tous pareils, certains fabricants vont jusqu’à proposer plusieurs coupes en fonction de la morphologie du porteur : droite, cintrée, large... Et les pantalons sont disponibles en deux longueurs de jambe.

Côté design, les vêtements adoptent également les tendances dans l’air du temps : assemblages de couleur, coutures contrastées... A noter que côté coloris, le bleu marine a laissé sa place au gris et que les tons clairs comme les beige et les sable ont le vent en poupe.

Des fonctions au bon endroit

Au-delà de l’image positive qu’il renvoie de la personne qui le porte, le vêtement de travail doit être aussi fonctionnel avec par exemple des poches de la bonne taille, en juste nombre et positionnées au bon endroit. De plus en plus, le travailleur a tendance à porter ses outils usuels sur lui ou à la ceinture pour les avoir toujours sous la main lorsqu’il se déplace ou monte à l’échelle. D’où des poches de pantalon situées à l’extérieur permettant au professionnel de ne pas être gêné lorsqu’il se baisse, ni d’avoir à ouvrir sa veste. Les vêtements peuvent être pourvus de poches spécialement dessinées pour accueillir des plans ou des carnets au format A4, ou encore des téléphones portables et autre mp3. Et les fonctionnalités s’adaptent selon les métiers : le couvreur aura particulièrement besoin de cordons de serrage au bas de son pantalon, évitant au froid de s’engouffrer, contrairement au plombier qui travaille surtout en intérieur.

La résistance du vêtement entre également en jeu, avec des coutures garanties tout le temps de la vie du vêtement, des renforts situés au bon endroit : sur les épaules, les avant-bras, les entrejambes, les cuisses pour ceux par exemple qui utilisent cette partie de leur corps pour soulever des matériaux, sans oublier les genouillères, indispensables sur la plupart des pantalons destinés au secteur du bâtiment.

Nouvelles matières

Évidemment, l’apport des nouvelles matières est essentiel dès qu’il s’agit d’évoquer les notions de confort et résistance. Aujourd’hui, les tissus type Cordura permettent de renforcer les zones fortement sollicitées. Le Gore-Tex ou le Sympatex dépassent le strict cadre des vêtements de protection contre le froid pour se porter toute l’année valorisant leurs vertus protectrices vis-à-vis de la pluie et du vent, mais aussi leur capacité à évacuer les molécules de transpiration. De leur côté, les tissus Soft Shell permettent de confectionner des vêtements très polyvalents et très confortables, la présence de Lycra ou de Spandex assurant une grande aisance dans les mouvements, tout en offrant une respirabilité et une protection contre le vent et l’infiltration d’eau. Quant au Coolmax, conçu spécialement pour permettre à ses utilisateurs un confort à l’abri de toute humidité, permettra-t-il de hisser le T-Shirt au rang de vêtement de travail ? La valeur ajoutée perçue de ce dernier est en effet encore très faible au regard de la masse de T-shirts publicitaires portés dans le cadre du travail... De même, les fabricants travaillent sur des tissus anti-UV destinés comme leur nom l’indique à protéger les salariés des méfaits du soleil.

Si ces nouvelles matières se développement dans les gammes, le fameux mélange coton-polyester reste encore le plus répandu (60 ou 65% coton). Si ce mélange est apprécié pour sa résistance à l’usure, sa bonne tenue des couleurs, son défroissage et son entretien faciles et sa faible déformation, le 100% Coton n’a pas dit son dernier mot. Il est notamment recommandé pour la conception de vêtements résistants au feu. Certains fabricants travaillent préalablement ces tissus de façon à ce qu’ils soient pré-rétrécis, évitant à l’usager de connaître les affres de cette mésaventure. Par ailleurs, l’apparition de gammes de coton équitable permettent aux fournisseurs qui se sont lancés dans cette démarche de répondre aux appels d’offre émanant notamment du secteur public, même si les ventes ne font que balbutier.

Incontournable service

Prises en compte de la variété des besoins aidant, les collections se spécialisent donc de plus en plus. Et elles tournent de plus en plus vite. Un fabricant cite qu’aujourd’hui une collection a une durée de vie de dix-huit mois, sachant qu’il en a fallu six pour lancer le produit. Cette durée était de cinq ans il y a deux ou trois ans. Les gammes de produits sur stock se réduisent donc, la proportion de vêtements spécifiques étant croissante. Cette évolution exige de la part des fournisseurs un véritable savoir-faire logistique. Au-delà de la question des approvisionnements en matières premières, fort complexes ces temps-ci, et de l’augmentation du nombre de références, il est aujourd’hui question de traçabilité, mais aussi de gestion des besoins d’une entreprise en gardant en mémoire toutes les tailles des salariés en vue du renouvellement des vêtements, de tournées accompagnées avec les distributeurs pour les études de poste ou pour valoriser les produits premium. Blaklader est d’ailleurs le premier de ce secteur d’activité à proposer un camion de démonstration capable de se rendre chez le client du distributeur pour permettre aux salariés de toucher les tissus, voir les couleurs et essayer les vêtements. Si l’habit ne fait pas le moine, le professionnel veut au moins porter le costume qui sied à sa morphologie et à son emploi.

Agnès Richard

 

 


Rappel sur les vêtements de protection

Le vêtement de travail est régi par le code du travail mais dès qu’il doit répondre à des exigences précises en matière de sécurité, il rentre dans le domaine du vêtement de protection et obéit dès lors à des normes précises dont nous rappelons ci-dessous les principales.

EN 340 : Exigences Générales
EN 342 Normes concernant la protection contre le froid
EN 343 : Normes concernant la protection contre les intempéries (pluie...)
EN 381 : Vêtements de protection contre les chaînes de tronçonnage
EN 465 : Vêtements de protection étanches aux aérosols, aux particules...
EN 466 : Vêtements étanches aux liquides chimiques
EN 470 : Normes pour les vêtements de protection utilisés pendant le soudage
EN 471 : Normes relatives aux vêtements Haute Visibilité. X : classe du vêtement (3 niveaux). Y : classe de la matière rétro-réfléchissante.
EN 510 : Spécifications des vêtements de protection contre le risque d’être happé par des pièces de machines en mouvement
EN 531 : Normes pour les vêtements de travail utilisés par les travailleurs de l’industrie exposés à la chaleur
EN 533 : Vêtements de travail contre la chaleur et la flamme. Spécification des performances des matériaux pour la propagation de la flamme limitée.