La visserie bois

La vis technique veut renforcer son ancrage dans la distribution

Incontournable pour l’assemblage et la fixation d’éléments en bois, la vis pour le bois ne peut esquiver le ralentissement général du marché du bâtiment. Néanmoins, elle s’inscrit dans les tendances fortes valorisant le matériau bois dans toutes ses déclinaisons, depuis la construction à ossature bois, l’aménagement extérieur ou l’isolation. Ce mouvement profite aux vis techniques et de structure, un univers sur lequel la distribution doit se positionner si elle veut faire face à la vente directe.

Ce petit morceau de métal cache souvent des trésors de technicité sous des dehors d'une grande simplicité. Se distinguant des autres types de vis par sa tête souvent fraisée, son corps fileté et sa pointe auto-foreuse, la vis bois est le consommable indispensable dans les applications d’assemblage et de fixation d’éléments de construction et/ou d’aménagements en bois. Elle constitue même un élément décisif dans la sécurité d’un ensemble constructif.

Et pourtant, aussi connue soit-elle dans l’esprit du commun des mortels comme des professionnels, elle est rarement considérée à sa juste mesure, notamment par la distribution qui la réduit souvent à un consommable, sans en valoriser toujours suffisamment les aspects techniques qui, outre la performance de la mise en oeuvre et la durabilité des fixations, favorisent un confort dans la pose et un gain de temps. Confrontés à des plans de vente larges et profonds, les ATC des négoces en matériaux ou de la fourniture industrielle font rarement de la vis pour leur bois l’une de leurs priorités. Et sur un marché dont les ventes ralentissent, dans un contexte de concurrence accrue avec l’arrivée d’offres très agressives émanant de fabricants d’Europe de l’Est, privés du marché russe, ou de sourcings asiatiques, les prix prédominent parfois dans les choix, au détriment souvent de la qualité. « Entre une vis asiatique et une vis que nous fabriquons en Autriche, vous pouvez avoir des différences au vissage de l’ordre de dix secondes. La demande du pro, c’est rapidité, confort d’utilisation et économie en termes de vis. On peut être 10% plus cher, ce qui est rarement le cas d’ailleurs, mais si cela permet au professionnel d’avoir besoin de moins de vis, c’est intéressant » résume Christian Giacalonne, directeur des ventes et marketing France et Benelux chez Schmid Schrauben Hainfeld, le fabricant autrichien spécialisé sur la vis de structure pour la filière bois et tout particulièrement la construction bois et les assemblages charpente.

Sur un chantier où le professionnel pose 1 000 vis par jour, quelques secondes peuvent se révéler conséquentes. « Quand on parle aux artisans, on se rend compte qu’ils utilisent notre vis parce qu’ils la trouvent facile d’utilisation, c’est-à-dire qu’elle pénètre bien dans le bois et qu’elle ne casse pas dans le support, au vissage ou au dévissage » confirme Marc Besson, directeur marketing et commercial de Vynex, leader du marché de la distribution, avec l’Allemand Spax.

Tendances de fond

Ce consommable mérite d’autant plus l’intérêt qu’il s’inscrit sur des marchés promis à un bel avenir. La place du matériau bois occupe, on le sait, une place grandissante, bien au-delà de l’ameublement ou des habitations individuelles et des bâtiments agricoles, ses cibles historiques. Stimulé par la réglementation environnementale RE2020, qui vise à réduire l’empreinte carbone des bâtiments et des chantiers à travers notamment un recours accru au bois, ce matériau devrait atteindre entre 20 et 30% de part de marché de la construction à l’horizon 2030. Il intervient désormais dans la construction d’immeubles de bureaux, d’usines, de bâtiments publics, de résidences, de tours de plusieurs étages, et comme les Jeux Olympiques l’ont bien montré, dans des installations sportives ou évènementielles.

Selon une étude menée par Xerfi, le marché de la construction bois, évalué à environ deux milliards d’euros, est donc loin d’avoir livré, en France, tout son potentiel. Celui de l’isolation thermique par l’extérieur (ITE) en rénovation offre d’autres perspectives, à commencer par l’isolation des toits par l’extérieur dite sarking. Proche, mais distinct du marché de la construction bois, celui du bardage, ce revêtement habillant les murs extérieurs tout en les protégeant de l’humidité et des infiltrations et qui constitue une solution esthétique permettant d’intégrer une isolation par l’extérieur en toute discrétion participe, lui aussi, au développement des volumes de vis à bois.

Plus de petites commandes

Reste qu’après l’embellie de la période post-covid et les fortes hausses des coûts des matières premières, le marché de la vis à bois semble connaître un certain ralentissement, même s’il est moindre que celui du bâtiment en général. Le marché de la terrasse bois semble particulièrement souffrir, affichant probablement 10 millions de mètres carrés de surfaces posées en 2023, soit le niveau de 2019, contre 16 millions de mètres carrés vendus en 2021. « Le coût des matières a été tellement volatil et tellement difficile à maîtriser que la valeur ne veut plus rien dire. Il faut bien regarder les volumes » indique Béatrice Porte, directrice générale de Spax France. Et force est de constater que ces volumes ne sont pas à la hausse. « Nos clients distributeurs nous signalent des coups d’arrêt assez brutaux dans les investissements à certains endroits. Quand le gâteau rétrécit, évidemment, il y a beaucoup plus de pression concurrentielle » précise Marc Besson.

Ce ralentissement ne semble pas toujours facile à appréhender du fait des effets de sur-stocks chez les distributeurs et les fabricants, suite aux difficultés d’approvisionnement de la période Covid, qui brouillent sans doute encore un peu la vision du marché actuel, d’autant que les historiques de vente ne sont plus ceux qu’il faut considérer aujourd’hui. Pour les fabricants, plus le partenariat est étroit avec un distributeur, plus il fournit l’opportunité de travailler sur des quantitatifs annuels les plus justes.

Depuis deux ans, chacun observe d’ailleurs une tendance chez les distributeurs à réduire le montant de leurs commandes. « La commande moyenne est plutôt un petit peu plus basse que les années précédentes. Il y a plus de petites commandes en fait, parce qu’il y a évidemment une prudence sur les stocks. Les commandes répondent à un besoin immédiat » observe Marc Besson. « Le panier de commandes des distributeurs est plus petit. Il y a plus de commandes, mais plus de petites commandes… Ce sont des enjeux sur lesquels il va falloir réfléchir un jour ou l’autre, parce qu’on a aussi un impact CO2 qui en découle » confirme Béatrice Porte.

Vis et vis

Face à cette grande diversité des débouchés, les écarts se creusent de plus en plus entre les vis classiques et les vis les plus techniques, voire même de structure.

La vis standard, dite vis agglo, est utilisée pour tous les types d’assemblages et fixations courantes (agglomérés, menuiseries intérieures…) ne nécessitant pas un niveau de résistance à l’arrachement ou au cisaillement particulièrement élevé. De même, elle ne dispose pas de réelles capacités auto-foreuses à sa pointe évitant le pré-perçage. Certaines vis classiques, plus qualitatives que d’autres, possèdent des caractéristiques liées à la qualité de leur acier ou à la géométrie de leur filet leur permettant d’être utilisées de façon plus polyvalente, dans certaines essences de bois plus dures sans se limiter aux agglomérés et autres bois reconstitués. Totalement saturé, le marché des vis à bois classiques met en scène de multiples acteurs, européens et asiatiques, qui réalisent des volumes de vente élevés avec des vis de faible coût unitaire, et se révèle particulièrement bataillé.

L’univers de la vis technique comprend des produits plus sophistiqués dans leur conception, leur géométrie et le traitement de leur acier et dont les composantes et/ou les traitements font souvent l’objet de brevets. Si les vis techniques donnent l’opportunité aux fabricants, notamment européens, de faire valoir leurs différences, le nombre d’intervenants positionnés sur ces solutions est en régulière croissance. Ces dernières années, les fabricants historiques du marché européen, comme les Allemands Spax et Heco-Schrauben, l’Autrichien Schmid Schrauben Hainfeld, le Français Vynex ou encore l’Italien Mustad (la liste n’est pas exhaustive) doivent compter avec Fischer, qui a étoffé son offre sur la vis à bois, comme Scell-it, autre spécialiste de la fixation qui commercialise désormais dans l’Hexagone les vis du leader suédois Essve ou encore Simpson Strong Tie, leader du marché des connecteurs et sabots de charpente, qui propose lui aussi des vis à bois. « Aujourd’hui, au travers de nos enquêtes sur le chantier, nous observons que la plupart des professionnels utilisent des vis techniques » ajoute Marc Besson. « Mais, selon les fabricants, il n’y a pas une vis qui ressemble à une autre du point de vue de la géométrie. Les performances peuvent être aussi assez différentes sur un certain nombre de critères comme le couple de rupture, le couple de vissage, la rapidité de vissage, l’énergie dépensée, la résistance à l’arrachement... »

Ainsi, certains acteurs sont très performants sur tel ou tel type de critères, et moins sur tel autre. Le but étant évidemment d’avoir un bon équilibre sur tous les aspects pour proposer une vis technique de grande qualité. Les paramètres sont nombreux, en témoigne Essve qui, pour concevoir « la meilleure vis bois au monde », a fait appel à l’expertise de six bureaux d’études internationaux, interrogé des dizaines d’artisans sur leurs attentes et développé un robot capable de tester 4 000 designs de vis de 54 marques concurrentes. Il en est ressorti plus de 1 600 000 mesures, permettant de définir avec précision, ce qui fait l’efficacité du design d’une vis !

Acier carboné

La qualité de l’acier, de l’acier carboné, est l’un des premiers critères de la performance d’une vis, les différentes qualités d’acier utilisables par les fabricants pouvant expliquer, selon les experts, les variations de prix au niveau du produit.

Les vis pour le bois intervenant dans les constructions extérieures sont elles nécessairement en...