Les embouts de vissage
Un marché sous haute-torsion
Élément de liaison entre la vis et son outil d’application lors des opérations d’assemblage ou de fixation, tournevis à porte-embout ou visseuse électrique, l’embout de vissage subit des contraintes mécaniques qui peuvent se révèler très élevées. Pour optimiser ses performances et limiter les risques de casse, les fabricants font évoluer leurs gammes en misant sur l’innovation, notamment pour répondre aux exigences liées à l’emploi de plus en plus fréquent des visseuses à choc.
A l’instar des outils de coupe ou de perçage, les embouts de vissage sont communément considérés comme des consommables. Fabriqués le plus souvent en acier — encore qu’il en existe en inox et en titane — et de manière très automatisée, ces produits de grande consommation sont indispensables aux professionnels de la construction, de la charpente, de la menuiserie, de la serrurerie, de la pose de plaques de plâtre, de l’agencement, de l’aménagement extérieur, comme de l’automobile, de l’aéronautique ou de la maintenance industrielle ; une liste à la Prévert qui montre bien que ces petits bouts de métal sont incontournables dans les métiers de l’industrie, de la maintenance et du bâtiment. Présents en masse dans les libres-services de la distribution professionnelle, autant que sur internet ou dans les linéaires des grandes surfaces de bricolage, il n’est pas rare qu’ils soient proposés sous forme de sets au comptoir des négoces, près de la caisse, comme un paquet de piles ou de marqueurs. Les plus chers sont en vitrine, mis en valeur comme des bijoux — certains y ressemblent —, ce qui permet d’éviter leur vol, tout en renforçant la notoriété de la marque référencée par l’enseigne.
Profusion de l’offre
La plupart du temps, toutefois, les embouts de vissage sont commercialisés dans les agences sous blisters, sachets ou boîtes en plastique implantés en cross-selling, sur des présentoirs fournis par les marques à implanter à proximité de l’outillage à main ou dans l’univers des outils électroportatifs. Surtout, à côté des ventes à l’unité, ils sont proposés en étuis, trousses ou coffrets présentant des compositions riches de multiples profils d’empreintes qui répondent aux impératifs propres de nombreux métiers différents.
Partout, ces conditionnements font l’objet d’importantes promotions. Les plus séduisants laissent transparaître les embouts et sont dotés de systèmes articulés pour pouvoir les exposer et les extraire avec le moins de difficulté possible – il faut combiner l’accessibilité immédiate aux outils avec leur préhension facile et leur bonne tenue dans le coffret pour éviter qu’ils ne se perdent au premier mouvement. La variété des présentations est infini – vous pouvez le juger aux produits exposés en complément de cet article – et certains fabricants conçoivent même aujourd’hui de véritables écrins pour mettre leurs gammes en valeur.
Du tournevis à main jusqu’aux visseuses à choc
Quoi qu’il en soit de son conditionnement, il ne faut pas perdre de vue que l’embout de vissage est l’élément de liaison entre l’outil de vissage et la vis et qu’il est pleinement sollicité lors des vissages et dévissages. Il est positionné dans un porte-embout ou alors directement dans le mandrin d’une machine électroportative. Pour la plupart, les embouts ont une longueur de 25 millimètres, une tête profilée pour épouser au mieux l’empreinte de la tête de la vis et un emmanchement hexagonal d’un diamètre d’un quart de pouce (1/4’’), soit 6,35 millimètres. Il existe également des embouts longs de 50, 60, 75 et 90 mm pour les plus fréquents et d’autres qui atteignent ou dépassent les 150 mm de longueur que l’on peut assimiler à des lames interchangeables.
Les travaux les plus délicats sont le plus souvent réalisés à la main pour conserver un contrôle fin de l’opération d’assemblage. Les professionnels utilisent à cette fin un tournevis traditionnel ou à porte-embout, avec parfois dans cette configuration la fonction cliquet, voire dynamométrie. Pour les tâches les plus répétitives, ils préfèrent — notamment les plaquistes ou les agenceurs — utiliser une visseuse électrique, aujourd’hui à batterie, équipée d’une bague de réglage du couple de serrage. Ils peuvent également préférer une visseuse à choc (électrique ou pneumatique), plus musclée et plus rapide : une alternative en matière d’outillage qui a une incidence réelle sur le marché des embouts de vissage, bien plus pour la construction que pour l’industrie qui demande des process plus précis.
Zones de torsion
Composé d’une sorte de marteau, d’un ressort et d’une enclume, le mécanisme de frappe de la clé à choc augmente la force du couple de serrage et la vis s’enfonce plus aisément. Cette cinématique est différente de celle issues du vissage manuel ou du vissage électrique classique. Dans ces deux modes, l’embout de vissage ne va subir qu’un effort de rotation. Lorsqu’il est utilisé avec une visseuse à choc, à l’inverse, il va devoir résister tout à la fois à l’effort de rotation mais également aux percussions exercées par la machine.
Evidemment, l’emploi de visseuses à choc ajoute de nouvelles contraintes pour les fournisseurs d’embouts. Ceux-ci doivent assurer aux utilisateurs de leurs produits que l’intégrité de l’empreinte de leurs vis et du profil de leurs embouts ne soit pas mise en péril. C’est une gageure pour les fabricants même les mieux aguerris, à l’heure où les utilisateurs s’équipent de machines de plus en plus puissantes. Mais c’est aussi une opportunité pour eux de montrer leurs savoir-faire et leurs capacités d’innovation : « De l’adversité vient l’opportunité » comme l’a rappelé en son temps Benjamin Franklin.
Géométries spécifiques anti-choc
Dès 1989, Wera, qui dispose d’un site de production en République Tchèque et se présente comme le numéro un de l’embout de vissage en Europe, a imaginé intégrer une zone de torsion dans ses produits. Le procédé était d’usiner plus finement le corps de ses embouts à un endroit précis pour leur permettre de résister à des couples de serrage élevés et éviter ainsi leur rupture prématurée, toujours dommageable pour la pièce à visser et dangereuse pour l’opérateur. Concrètement, la zone de torsion, d’un diamètre inférieur au corps de l’embout, se déforme pour absorber les couples excessifs et les pics de contraintes. La technologie, qui arbore différentes géométries selon les fabricants, est désormais maîtrisée sur les embouts les plus courts, mais avec des performances qui varient selon les marques. Au-delà des 60 millimètres de longueur, la technologie est beaucoup moins aboutie et cette catégorie de produits peut servir de porte d’entrée à de nouveaux acteurs disposant d’un haut savoir-faire technique.
Cette évolution du marché offre ainsi l’opportunité au fabricant japonais Vessel de se positionner comme une alternative crédible face aux leaders Wera, Wiha ou Facom, une position qu’il exploite avec succès depuis deux ans. « Localement, les distributeurs ont des offres qui sont très proches les unes des autres, dans la mesure où chacun s’adapte au tissu industriel et commercial qu’il a autour de lui », commente Christophe Matusiak, business development manager de Vessel Europe. « Certains cultivent une spécialité, mais ne font pas de veille. Il suffit parfois de les démarcher avec des solutions nouvelles pour les...