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décembre 2018

Protection auditive

Un risque qui doit se faire entendre

Les bruits au travail peuvent causer des pertes d’audition irrémédiables. Jugé, encore trop souvent, peu stratégique par les entreprises qui ne proposent pas toujours le protecteur adapté à leurs équipes, ce risque devrait bénéficier d’une sensibilisation grandissante, liée notamment à la directive de 2016 qui entre en application en 2019. Ainsi, ce risque évolue de la Catégorie II à Catégorie III, prenant en compte son aspect irréversible. Loin d’être saturé en termes de taux d’équipement et offrant des solutions variées en fonction des problématiques, le marché de la protection auditive a donc encore de beaux jours devant lui, d’autant que les solutions communicantes offrent aux porteurs des fonctionnalités qui leur permettent de travailler efficacement en toute sécurité, avec, à la clé, des gains de productivité.

Le bruit au travail est reconnu comme la troisième maladie professionnelle en France, avec un coût moyen d'indemnisation évalué à environ 100 000 euros, soit un total annuel pour les surdités reconnues comme étant d'origine professionnelle de 100 millions d'euros par an. Et ceci ne prend pas en compte les répercussions dans la vie quotidienne du travailleur dont l’ouïe est endommagée, avec son cortège d’irritations, d’hypertensions, d’insomnies, de manque de concentration, d’anxiété, d’acouphènes, de bourdonnements... Des troubles qui handicapent d’ailleurs l’opérateur bien avant le diagnostic de perte d’audition et qui, au-delà du bien-être de la personne, génèrent inévitablement une baisse de productivité, du stress, des changements de comportement et sont même susceptibles de créer des accidents du travail. Le coût social des accidents du travail liés au bruit (masquage des signaux d’alerte, détournement d’attention) a été estimé à 1,1 milliard d’euros, selon une étude du ministère des Affaires Sociales datant de 1983, selon laquelle 10% des accidents du travail seraient provoqués par des nuisances sonores sur le lieu de travail. Certes, les chiffres datent mais les fléaux liés à un niveau sonore excessif au travail sont encore aujourd’hui pointés un peu partout. Selon l’agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, 40 millions d’ouvriers, sur le vieux continent, sont exposés à des bruits nocifs et 13 millions d’entre eux souffrent de troubles de l’audition.

La réglementation est claire. A partir de 80 décibels, le risque sur l’audition est réel. Les ateliers industriels et les chantiers de construction ne sont pas les seuls concernés. Les open-spaces, les centres commerciaux, les gares, les stations de métro, etc. peuvent également soumettre une personne à une exposition sonore excessive, à cause d’un niveau de bruit constant. Dès 60 ou 70 dB, une gène peut être ressentie, entrainant déjà stress et manque de concentration. Une enquête Ifop/JNA, parue en 2016, révèle qu’environ 6 millions de Français en activité professionnelle perdraient plus de 30 minutes de temps de travail par jour à cause du bruit et des nuisances sonores. Ce qui représenterait une perte de productivité d’environ 23 milliards par an, un phénomène qui peut donc toucher tous les secteurs d’activité et tous les types de poste.

Un seuil de 80 db(A) pendant 8 heures

Depuis 1963, le code du Travail reconnaît le bruit comme cause de maladie professionnelle et les différentes directives européennes Bruit définissent les valeurs d’exposition à partir desquelles l’employeur a obligation de protéger ses travailleurs exposés, soit le seuil maximum de 80 dB(A) pendant 8 heures depuis 2006. Il doit donc leur proposer des solutions de protection adéquates qui peuvent être d’ordre organisationnel avec la réduction du temps d’exposition pour le travailleur concerné, passer par la réduction du bruit à la source lorsqu’elle est techniquement possible (encoffrement des machines bruyantes, panneaux acoustiques, caisse insonorisée...) et bien entendu par le port de protection individuelle. 

Cette prise en compte suppose évidemment de mesurer le niveau sonore auquel sont exposés les salariés, sachant qu’il existe plusieurs types de bruits, qui se différencient en fonction de leur fréquence exprimée en Hertz (Hz) et de l’intensité du son exprimée en décibel (dB), et d’évaluer leur temps d’exposition. Données complexes dans l’industrie et dans la construction sachant que le travailleur peut être confronté à un bruit continu, mais aussi à des sons intermittents avec cycles ou à des sons à impulsion qui peuvent augmenter subitement de 20 dB(A). Des appareils de mesure sont évidemment disponibles sur le marché, des plus simples ou plus normalisés. Les niveaux sonores sont généralement exprimés en dB(A), ce qui traduit ce qui est perçu par l’oreille.

Si un risque de perte auditive existe à partir d’une exposition à 80 dB(A) pendant huit heures par jour, un salarié travaillant sur une machine générant 86 dB(A) mettra tout autant en danger son audition s’il reste exposé pendant plus de deux heures. Et une exposition d’une heure à 89 dB(A) est tout aussi nocive ! L’échelle de bruit étant logarithmique, à chaque fois que l’on ajoute 3 dB, on divise le temps par deux. Un son de 88 dB(A) est donc deux fois plus élevé qu’un son de 85 dB(A). Et si une ambiance sonore de 92 dB(A) suppose un temps d’exposition de 30 min, avant dégradation de l’ouïe, cette durée est seulement de 15 min à 95 dB(A) et donc de 7,5 min à 98 dB(A)... Un tel niveau sonore n’est pas exceptionnel puisque le bruit émis par une perceuse ou une tondeuse se situe autour de 80-100 dB(A) alors que l’utilisation d’une scie circulaire, d’un marteau piqueur, d’une débroussailleuse ou encore d’équipements dans un atelier mécanique ou de chaudronnerie élève l’ambiance à 100-130 dB(A). 

Des risques sous-estimés

En 2003, le rapport Sumer recense trois millions de salariés exposés à un bruit supérieur à 85 dB(A). Si les enjeux sont manifestes, la protection auditive fait pourtant partie des risques qui, actuellement, sont les moins bien pris en compte par les entreprises, y compris d’ailleurs par les salariés eux-mêmes. Peut-être parce qu’un perte auditive se répercutait jusqu’alors plutôt en une maladie professionnelle qu’en un accident du travail contrairement à des projections dans les yeux, des problèmes respiratoires ou encore une chute ? Par ailleurs, le risque auditif est insidieux. Les cellules ciliées de l’oreille interne se détruisant petit à petit, la perte d’ouïe est rarement immédiate mais commence à se manifester à travers des symptômes comme les fameux sifflements dans l’oreille. En revanche, si elle n’est pas mortelle, elle est irréversible. Les pertes d’audition ne se récupèrent jamais. 

Preuve de cette sous-estimation des risques, la protection auditive fait figure de petit Poucet en termes de marché. L’étude de MSI Reports indique que les fabricants ont réalisé en France en 2014 sur le marché de la protection de la tête (masques respiratoires, casques, lunettes, protections auditives) un chiffre d’affaires global de 441 millions d’euros HT sur ce secteur dont 77 millions d’euros pour les protections auditives, loin derrière les protections respiratoires (266 millions d’euros), à quasi égalité avec les protections oculaires (79 millions d’euros). 

Un risque de catégorie III

Quel que soit son périmètre, ce marché dans l’industrie progresse doucement, non stimulé en France par le nombre d’oreilles à protéger, le phénomène des délocalisations ayant réglé une bonne part de ce problème dans l’Hexagone, mais du fait d’une sensibilisation croissante à ce risque. L’enjeu n’est d’ailleurs pas tant l’équipement des travailleurs, généralement tous dotés de protecteurs dans l’industrie, mais la prise de conscience de la nécessité d’une protection adaptée et bien portée.

L’évolution dans la réglementation doit favoriser ce changement d’état d’esprit. En 2016, une nouvelle réglementation européenne place la protection auditive non plus en catégorie II (risques importants) mais en catégorie III, c’est-à-dire dans la même catégorie de risques que la protection respiratoire et la protection anti-chute (risques graves à effets irréversibles ou mortels). La nouvelle directive, qui devrait entrer en application en mars 2019, implique pour les fabricants des procédures de contrôles de qualité continu plus rigoureuses, concernant notamment le contrôle de la qualité des produits ou l’assurance qualité de l’ensemble du processus de fabrication. Un nouvel emballage CE figurera également sur le produit ou sur son emballage. De leur côté, les entreprises utilisatrices devront s’assurer que chaque protection auditive utilisée respecte les mesures de la nouvelle réglementation européenne, que la protection auditive a été sélectionnée correctement (arrêté du 11 décembre 2015) et qu’elle est portée convenablement. Ce qui doit aussi attirer leur attention sur la réalité du niveau d’atténuation annoncé par le protecteur, la prise en compte du port de plusieurs EPI, des lunettes ou un casque non adaptés pouvant diminuer le niveau de protection et, la base sans doute, la nécessité de faire une étude poste par poste. 

Bien choisir, bien porter

Occasion donc pour les spécialistes du secteur de souligner que la protection contre les bruits nocifs doit être prise au sérieux et qu’il est nécessaire d’appliquer dès aujourd’hui les modalités de sélection précisées dans l’arrêté de décembre 2015 pour choisir le niveau d’atténuation d’une protection auditive. Par ailleurs, la formation des ouvriers quant à la sélection appropriée des équipements de protections individuelle fait déjà partie des exigences de la Directive 89/656/CEE relative à l’utilisation des EPI. En matière de protection auditive, un équipement mal porté ou enlevé à mauvais escient peut réduire à néant la protection. Conformément à la fameuse règle logarithmique, un retrait du protecteur pendant 2 minutes correspond à une perte de 23% de son efficacité journalière. La moindre négligence peut donc être dommageable. Dans un environnement à 100 dB(A), un protecteur auditif enlevé deux minutes, à plusieurs reprises, peut ainsi, en cumulé, se résumer au bout de la journée à une absence de protection. 

Pas simple évidemment pour l’employeur qui non seulement doit fournir aux salariés des équipements adaptés et s’assurer que les protecteurs sont portés mais aussi vérifier l’efficacité des mesures de prévention. En développant son programme « Science of Safety » 3M s’est donné pour mission d’accompagner les entreprises en insistant sur trois points : la sélection du bon protecteur, la nécessité d’une formation au port et à la maintenance de l’EPI et l’importance de s’assurer de son bon ajustement. La marque a conçu le système de validation Dual-Ear E-A-Rfit™ permettant de mesurer les atténuations à l’intérieur de l’oreille du travailleur, de vérifier ainsi que la protection est adéquate et de lui prouver l’intérêt de porter correctement des protections. Ce système peut générer également des attestations. 

Autre démarche, mais toujours dans l’objectif de signaler au porteur s’il est bien ou mal protégé, le Français Earsonics, qui figure d’ailleurs comme la première entreprise de ce secteur à pouvoir afficher sur ses produits le label Origine France Garantie, a lui mis au point l’Earpad Control dB1, un protecteur intra-auriculaire qui intègre un dosimètre. L’utilisateur est ainsi averti en temps réel si son exposition au bruit dépasse le seuil journalier autorisé, un outil appréciable lorsque la cartographie exacte du bruit n’est pas exactement connue.

Attention à la surprotection

 En fonction de sa conception, des matériaux utilisés et de sa capacité à « fermer » l’oreille ou le conduit auditif de manière étanche, chaque type de protection dispose d’une valeur d’atténuation, appelée SNR (single number rating), qui repose sur la moyenne pondérée de l’affaiblissement sur toutes les fréquences mesurées utilisé en Europe. Selon les modèles proposés,...

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